Le malheureux père marcha bien longtemps sur le grand chemin, appelant toujours René à haute voix, et regardant de tous côtés attentivement. Comme il faisait un beau clair de lune, il lui était facile de distinguer tous les abords du chemin. Il rencontra plusieurs voituriers qui suivaient la même route que la diligence, et il leur demanda s'ils n'avaient pas aperçu un petit garçon de trois ans, ou s'ils l'avaient entendu crier. Tous répondirent négativement.
M. Desnues alla, toujours cherchant, jusqu'au relais précédent; il était sûr que, quand on y avait passé, il avait encore son fils sur ses genoux. Il éveilla les gens de la poste aux chevaux, qui ne purent lui donner aucun renseignement, et il revint au village où sa femme était restée; il était désolé, mais délivré pourtant de l'horrible crainte que le pauvre petit n'eût été écrasé par quelque voiture.
Mme Desnues, en proie à une fièvre ardente, appelait son fils à grands cris. Quand son mari rentra, elle s'écria:
«C'est moi! c'est moi qui suis cause de la perte de mon enfant! Je ne devais pas dormir! Est-ce que les mères doivent jamais dormir?
—Ma pauvre femme, sois certaine qu'il n'est arrivé aucun mal à notre fils.
—Eh bien! alors, où est-il?»
M. Desnues détourna la tête, et, après un instant de silence, il dit: «Mets ta confiance en Dieu, mon amie, il nous rendra notre enfant, n'en doute pas!»
Mais la malheureuse mère ne l'entendait pas. Elle avait le délire et poussait des cris déchirants. Son mari, ne pouvant la calmer, s'assit tristement auprès de son lit.
Or, voici ce qui était arrivé au petit René:
Il était tombé de la voiture; mais alors il dormait si bien qu'il ne s'éveilla pas en tombant. Il n'y avait pas cinq minutes qu'il était étendu au beau milieu de la route, lorsqu'un paysan la traversa, menant par la bride un âne que montait sa femme: ils revenaient d'une foire lointaine où ils étaient allés vendre leur toile.