M. Desnues, brave officier, allait en semestre avec sa femme et son enfant, un gentil petit garçon de trois ans. Ils avaient à faire une longue route, et devaient passer trois jours et deux nuits en diligence. M. Desnues s'assit en face de sa femme, et chacun d'eux, à son tour, tenait sur ses genoux le petit René, qui voulait toujours regarder par la portière. Cet enfant remuait sans cesse et fatiguait extrêmement la personne qui s'occupait de lui; mais il était si heureux de voir la campagne et tout ce qui se rencontrait sur la route, que sa mère ne se plaignait pas de la fatigue qu'il lui donnait, bien qu'elle fût excessive. La nuit, elle tenait René endormi sur ses bras, et ne le donnait à son mari qu'alors qu'elle ne pouvait plus le soutenir.
La seconde nuit, M. Desnues lui dit:
«Ma chère amie, René dort mal sur nos bras; je vais plier mon manteau de façon à en former une espèce de couchette dont chaque extrémité posera sur nos genoux, et l'enfant s'y étendra à son aise.»
Mme Desnues goûta fort l'expédient, et tout fut disposé comme le voulait le mari. René était enchanté d'être étendu sur ce petit lit improvisé, la tête sur les genoux de son père pendant que sa mère lui tenait les pieds; et la nuit étant venue, il ne tarda pas à s'endormir.
L'officier et sa femme se tinrent éveillés aussi longtemps qu'ils le purent; mais la fatigue l'emportant enfin, ils s'assoupirent d'abord, puis s'endormirent tout à fait.
Vers le milieu de la nuit, M. Desnues s'éveilla, et, voyant la portière ouverte, il cria à sa femme;
«Ma chère, prends bien garde à René!
—René, répondit-elle à moitié endormie, est-ce qu'il n'est pas auprès de toi?
—Ah! mon Dieu! s'écria le malheureux père, il est tombé par la portière!»
La diligence arrivait au relais comme il prononçait ces mots.
M. Desnues sauta hors de la voiture où sa femme, glacée d'épouvante, s'était évanouie. Il se mit à courir de toutes ses forces sur la route qu'il avait parcourue, en criant:
«René! mon enfant, où es-tu?»