Jacques se dirigea du côté que lui indiquait sa femme. En voyant un enfant endormi, il le prit tout doucement dans ses bras, l'apporte à la paysanne, et dit en le lui posant sur les genoux:
«Tiens! voilà le paquet; qu'en dis-tu, Sylvine?
—Seigneur Jésus! c'est un petit enfant beau comme le jour! Mon homme, bien sûrement, c'est le bon Dieu qui l'a mis sur notre chemin; je l'ai tant prié de nous donner un enfant qu'il me l'envoie tout venu.
—Femme, cet enfant a une mère, qui sans doute est bien désolée à l'heure qu'il est de l'avoir perdu; et ce serait bien mal de lui voler son enfant.
—C'est vrai, Jacques; mais où veux-tu que je trouve sa mère, à présent? Tiens, vois donc comme il est joli! Je sens que je l'aime déjà de tout mon coeur!
—Dame! au fait, sa mère l'a peut-être abandonné exprès sur la route!
—Qu'est-ce que tu dis donc là, notre homme? est-ce que c'est possible?
—Sais-tu que le pauvre innocent aurait bien pu être écrasé par ces grosses voitures qui vont plus vite que le vent?»
René s'éveilla, et dit:
«Mère! j'ai faim.»
Sylvine rapportait de la foire un pain blanc pour son vieux père; elle en cassa un morceau et le donna à l'enfant, qui s'étant tout à fait éveillé, demanda à voir sa mère. Jacques lui raconta comment il l'avait trouvé sur la route; le petit ne comprit rien à ce qu'on lui dit, et se mit à pleurer bien fort, en disant:
«Qu'est-ce que maman va dire quand elle ne trouvera plus son petit René auprès d'elle?»
Il fallait pourtant prendre un parti; les braves gens, voyant qu'ils ne pouvaient tirer aucun éclaircissement de l'enfant, se résolurent à l'emmener svec eux dans le hameau qu'ils habitaient.