Mme Moreau était fort occupée à écrire, quand sa petite fille Jenny entra tout à coup et se précipita dans ses bras.
«Maman, dit-elle d'une voix si émue qu'on l'entendait à peine, ne couchez pas dans votre chambre ce soir!
—Eh! pourquoi cela, mon cher ange?
—Parce qu'il y a un loup dans le fond de votre alcôve.
—Que me dis-tu là, petite folle?
—Mais, maman, c'est bien vrai,» dit la petite en tremblant.
Mme Moreau prit sa fille sur ses genoux; elle l'embrassa et lui dit doucement:
«Est-ce que tu l'as vu, mon enfant?
—Non, mère; mais je l'ai entendu.
—Songe donc, ma chérie, qu'il n'y a pas de loups dans les villes et encore moins dans les chambres; ils restent dans les grands bois, bien loin, bien loin.
—Maman, il y a un loup dans votre chambre, c'est bien sûr!
—Eh bien, allons l'en chasser toutes les deux; il ne me fait pas peur, à moi, le loup.»
Mme Moreau prit sa petite fille dans ses bras et monta tout doucement jusqu'à sa chambre. Elle entendit en effet une espèce de hurlement sourd, et Jenny, serrant le cou de sa mère entre ses petits bras potelés, se cacha la figure sur son épaule.
Mme Moreau alla droit à l'alcôve d'où partait le bruit; elle découvrit Gaston qui s'était caché pour faire peur à sa petite soeur.
«Gaston, ce que vous faites là est très-mal!
—Maman, répondit le petit garçon un peu confus, c'était pour m'amuser.
—Monsieur, il n'y a que les mauvais coeurs qui s'amusent de ce qui tourmente les autres. Vous voyiez votre soeur très-effrayée, et vous avez continué ce jeu cruel!
—Pourquoi est-elle assez sotte pour croire qu'il y ait un loup dans l'alcôve?