Douze jolies demoiselles en robes de soie blanche, une tulipe d’or
à la main, montées sur des chevaux noirs comme du charbon, lui servaient
de cortège. La princesse elle-même avait un cheval blanc comme la neige,
orné de diamants et de rubis ; elle portait un costume d’or pur, et le fouet
qu’elle tenait à la main ressemblait à un rayon de soleil. La couronne d’or de
sa tête paraissait composée des étoiles du ciel, et sa robe était fabriquée des
ailes admirables de mille papillons. Cependant elle était plus belle encore
que ses habits.
Lorsque Jean l’aperçut, il devint rouge comme du sang et ne put proférer
un mot. La princesse ressemblait exactement à la vision qu’il avait eue
auprès du lit de son père mort. Il la trouva bien belle et ne put s’empêcher
de l’aimer « Il est impossible, se dit-il, qu’elle soit une méchante sorcière
qui fait pendre et décapiter ceux qui ne devinent pas ses énigmes. Chacun
est libre de demander sa main, même le dernier des mendiants ; j’irai donc
au château, il le faut, je le veux. »
Tout le monde lui dit qu’il avait tort, qu’il subirait le sort des autres.
Son compagnon de voyage aussi l’en détourna tant qu’il le put ; mais Jean
pensa que tout irait bien. Il brossa son habit et ses souliers avec soin, se lava
minutieusement les mains et la figure, arrangea ses beaux cheveux blonds,
et entra seul dans la ville pour se rendre au château.
« Entrez, » dit le vieux roi lorsque Jean frappa à la porte. Jean entra, et le
vieux roi, en robe de chambre, en pantoufles brodées, vint au-devant de lui.
Il avait la couronne d’or sur sa tête, le sceptre dans une main et la pomme
d’or dans l’autre. « Attendez, » dit-il en mettant la pomme sous son bras
pour offrir sa main à Jean ; mais, dès qu’il apprit que c’était un prétendant,
il se mit à pleurer si fort que le sceptre et la pomme tombèrent à terre, et il
fut obligé de s’essuyer les yeux avec sa robe de chambre. Pauvre vieux roi !
« N’y songe pas ! s’écria-t-il ; tu finiras mal, comme les autres ; viens voir. »
Il conduisit Jean dans le jardin de la princesse. Quelle horreur ! au
sommet de chaque arbre étaient pendus trois ou quatre fils de rois qui avaient
demandé la main de la princesse et qui n’avaient pu deviner ses énigmes. Le
vent, chaque fois qu’il soufflait, faisait résonner leurs squelettes, et les petits
oiseaux s’enfuyaient pour ne plus revenir. Toutes les plantes, s’attachaient
à des ossements, et il y avait des têtes de morts qui riaient dans les pots de
fleurs et qui grinçaient des dents. Quel jardin pour une princesse !
« Tu vois, dit le vieux roi ; tu n’auras pas un meilleur sort que ceux
qui sont ici. Renonce plutôt à ton entreprise, tu me rendrais malheureux je
souffre tant de ces horreurs ! »
Jean baisa la main du bon vieux roi, et dit que tout irait bien, tant il aimait
la princesse.