Quelques jours après, la vieille maison fut mise en vente, et le petit
garçon, par sa lucarne, vit emporter les portraits de chevaliers et de
châtelaines, les pots de fleurs aux oreilles d’âne, les meubles de chêne et le
vieux clavecin.
Le printemps suivant, la maison fut démolie.
« Ce n’est qu’une baraque ! » répétait tout le monde ; et, en quelques
heures, on ne vit plus qu’un monceau de débris.
« Enfin ! » dirent les maisons voisines en se pavanant.
Quelques années après, sur l’emplacement de la vieille maison, s’élevait
une grande maison neuve et magnifique, avec un petit jardin entouré d’une
grille en fer ; elle était habitée par une de nos anciennes connaissances, le
petit garçon, ami du vieillard. L’enfant avait grandi, il s’était marié ; et, dans
le jardin, il regardait sa gentille petite femme planter une fleur.
Tout à coup elle retira sa main en poussant un cri ; quelque chose de
pointu lui avait piqué le doigt.
Que pensez-vous que c’était ? Rien autre chose que le soldat de plomb,
le même dont l’enfant avait fait présent au vieillard. Jeté par-ci par-là,
confondu avec les pierres et les débris de la vieille maison, il avait fini par
s’enfoncer dans la terre.
La jeune femme essuya le soldat, d’abord avec une feuille verte, puis
avec son mouchoir. Il se sentit réveiller d’un long et lourd sommeil.
« Que je le voie un peu ! dit son mari en riant. Oh ! non, ce n’est pas lui !
Mais il me rappelle l’histoire d’un autre soldat de plomb qui m’a appartenu
lorsque j’étais enfant. »
Alors il raconta à sa femme l’histoire de la vieille maison, du vieillard et
du soldat de plomb qu’il avait donné à ce dernier pour lui tenir compagnie.
Elle sentit, en l’écoutant, ses yeux se mouiller de larmes.
« Pourquoi ne serait-ce pas le même soldat ? dit-elle. En tout cas, je le
garde. Mais, pourras-tu me montrer la tombe du vieillard ?
– Non, répondit le mari, j’ignore où elle est, et tout le monde
l’ignore comme moi. Tous ses amis étaient morts avant lui, personne ne
l’accompagna à sa dernière demeure, et moi je n’étais qu’un enfant.
– Quelle chose affreuse que la solitude !
– Chose affreuse, en effet, pensa le soldat de plomb. Mieux vaut pourtant
être seul que se voir oublié. »