bonheur de la sentir se refermer sur sa tête et de plonger jusqu’au fond !
– Ce doit être un grand plaisir, en effet ! répondit la poule. Je crois que
tu es devenu fou. Demande un peu à Minet, qui est l’être le plus raisonnable
que je connaisse, s’il aime à nager ou à plonger dans l’eau. Demande même
à notre vieille maîtresse : personne dans le monde n’est plus expérimenté ;
crois-tu qu’elle ait envie de nager et de sentir l’eau se refermer sur sa tête ?
– Vous ne me comprenez pas.
– Nous ne te comprenons pas ? mais qui te comprendrait donc ? Te
croirais-tu plus instruit que Minet et notre maîtresse ?
– Je ne veux pas parler de moi.
– Ne t’en fais pas accroire, enfant, mais remercie plutôt le créateur de tout
le bien dont il t’a comblé. Tu es arrivé dans une chambre bien chaude, tu as
trouvé une société dont tu pourrais profiter, et tu te mets à raisonner jusqu’à
te rendre insupportable. Ce n’est vraiment pas un plaisir de vivre avec toi.
Crois-moi, je te veux du bien ; je te dis sans doute des choses désagréables ;
mais c’est à cela que l’on reconnaît ses véritables amis. Suis mes conseils,
et tâche de pondre des œufs ou de faire ronron.
– Je crois qu’il me sera plus avantageux de faire mon tour dans le monde,
répondit le canard.
– Comme tu voudras, » dit le poulet.
Et le canard s’en alla nager et se plonger dans l’eau ; mais tous les
animaux le méprisèrent à cause de sa laideur.
L’automne arriva, les feuilles de la forêt devinrent jaunes et brunes : le
vent les saisit et les fit voltiger. En haut, dans les airs, il faisait bien froid ;
des nuages lourds pendaient, chargés de grêle et de neige. Sur la haie le
corbeau croassait tant il était gelé : rien que d’y penser, on grelottait. Le
pauvre caneton n’était, en vérité, pas à son aise.