En s’éveillant, elle ne savait pas si tout cela était un rêve ou une réalité.
Elle continua son chemin et rencontra une vieille femme portant un panier
rempli de fruits, et qui lui en offrit quelques-uns. Élisa lui demanda si elle
n’avait pas vu onze princes à cheval traverser la forêt.
« Non, répondit la vieille : mais j’ai vu hier onze cygnes, avec des
couronnes d’or sur la tête, nager dans un lac près d’ici. »
Elle conduisit la jeune fille à une pente au pied de laquelle serpentait un
ruisseau ; les bords étaient couverts de grands arbres qui entrelaçaient leurs
branches et les laissaient pencher sur l’eau. Élisa dit adieu à la vieille, et
chemina le long du ruisseau jusqu’à l’endroit où il se jetait dans un grand
bassin.
Maintenant la mer s’étendait dans toute sa magnificence devant les yeux
de la jeune fille ; mais aucune voile, aucun bateau ne s’y faisait voir qui
pût la porter plus loin. Elle regarda sur le rivage les innombrables petites
pierres arrondies par l’eau. Le verre, le fer, les cailloux, tout avait reçu la
même forme, quoique l’eau fût encore plus légère que la main délicate de
la jeune fille.
« Ces petits objets roulent continuellement, disait-elle ; c’est ainsi que
tout ce qui est dur devient poli. Moi aussi je serai infatigable. Merci de votre
leçon, flots limpides et mobiles ; mon cœur me prédit qu’un jour vous me
porterez auprès de mes frères chéris. »
Sur le goémon rejeté par la mer, se trouvaient onze plumes de cygnes
blancs arrosées de quelques gouttes d’eau ; était-ce de la rosée ou des
larmes ? Nul ne pouvait le savoir. Élisa les ramassa et en fit un bouquet.
Elle ne semblait pas s’apercevoir de la solitude du rivage ; car la mer,
par ses variations perpétuelles, offrait en quelques heures un spectacle plus
intéressant que celui de plusieurs lacs pendant toute une année. Chaque
fois qu’apparaissait quelque grand nuage noir, la mer semblait dire : « Moi
aussi, je peux prendre cet aspect. » Alors le vent agitait les flots, et ils se
couvraient d’une blanche écume. Si, au contraire, les nuages étaient rouges
et le vent calme, la mer ressemblait à une feuille de rose, elle devenait tantôt
verte, tantôt blanche. Au milieu du plus grand calme, un léger mouvement se
faisait cependant sentir au rivage, et l’eau s’y soulevait doucement, comme
la poitrine d’un enfant endormi.