s’entretinrent presque toute la nuit sur les moyens d’accomplir leur
délivrance, ne donnant que quelques heures au sommeil.
Élisa fut réveillée par le bruit des ailes des cygnes qui s’envolaient audessus d’elle.
Ses frères, transformés de nouveau, s’éloignaient en traçant
de grands cercles dans les airs. L’un d’eux seulement, le plus jeune, resta
auprès d’elle. Il posa sa tête dans le giron de la pauvre fille, qui caressait
ses blanches ailes, et ils passèrent ainsi toute la journée ensemble. Après ce
soir, les autres revinrent, et, lorsque le soleil se fut couché, ils reprirent leur
figure naturelle.
« Demain nous partons, dit l’aîné, et nous ne reviendrons qu’au bout d’un
an. Nous ne voudrions pas te laisser ici ; as-tu assez de courage pour nous
suivre ? Mon bras est assez fort pour te porter à travers la forêt, donc nos
ailes réunies auront assez de force pour t’emporter au-delà de la mer.
Oui, emmenez-moi, » dit Élisa.
Les frères passèrent toute la nuit à tresser un filet avec l’écorce flexible
du saule et les tiges du jonc. Élisa fut placée dedans, et, lorsque le soleil
reparut, les frères, redevenus des cygnes sauvages, prirent le filet dans leurs
becs et s’envolèrent jusqu’aux nuages avec leur sœur bien-aimée encore
endormie. Comme les rayons du soleil tombaient d’aplomb sur sa figure,
l’un des cygnes vola au-dessus de sa tête pour l’ombrager de ses larges ailes.
Lorsqu’Élisa se réveilla, les cygnes étaient déjà loin de la terre ; elle
croyait rêver encore, tant il lui paraissait extraordinaire d’être ainsi portée
au-dessus de la mer, si haut à travers les airs. Près d’elle se trouvait une
branche chargée de fruits délicieux et un paquet de racines exquises, que
le plus jeune de ses frères lui avait préparés. Aussi elle lui souriait avec
reconnaissance, car elle avait reconnu que c’était lui qui volait au-dessus de
sa tête, en l’ombrageant de ses ailes.
Les cygnes s’élevèrent si haut que le premier navire qu’ils aperçurent audessous
d’eux leur parut une petite mouette sur l’eau. Derrière eux était un
grand nuage semblable à une montagne ; Élisa y vit son ombre et celle des
onze cygnes, grandes comme des géants. C’était le tableau le plus admirable
qu’elle eût jamais contemplé ; mais, dès que le soleil se fut élevé davantage
dans le ciel, cette image flottante s’évanouit.