sans en deviner la cause, et ce chagrin vint encore augmenter les souffrances
qu’elle éprouvait au sujet de ses frères. Ses larmes tombaient sur les velours
et la pourpre comme des diamants étincelants ; cependant elle ne perdit pas
courage, poursuivit son travail, et bientôt il ne manqua plus qu’une tunique.
Il lui fallait aller une dernière fois au cimetière pour cueillir des orties. Elle
songeait avec angoisse à ce voyage solitaire et aux affreuses sorcières, mais
sa volonté était ferme comme sa confiance en Dieu.
Elle se mit donc en route, mais le roi et le méchant courtisan la suivirent.
Ils la virent entrer dans le cimetière, et plus loin ils aperçurent les sorcières
consommant leur épouvantable sacrilège. Le roi se détourna avec horreur,
en pensant que la tête qui s’était reposée sur sa poitrine appartenait à l’un
de ces monstres.
« Que le peuple la juge ! » s’écria-t-il ; et le peuple la condamna aux
flammes.
Arrachée aux salles splendides, la malheureuse fut conduite dans un
cachot horrible, où le vent sifflait à travers une fenêtre grillée. Au lieu de
velours et de soie, elle n’eut pour coussin que le paquet d’orties qu’elle
venait de cueillir. Les tuniques brûlantes qu’elle avait tissées durent lui servir
de couvertures, et cependant il était impossible de rien lui offrir de plus
agréable. Elle reprit son travail, en adressant des prières au ciel. En attendant,
les enfants entonnaient dans la rue des chansons injurieuses pour elle, et pas
une âme ne la consolait par une parole affectueuse.
Soudain, vers le soir, une aile de cygne apparut près de la petite fenêtre ;
c’était le plus jeune des frères qui avait retrouvé sa sœur. Élisa se mit à
sangloter de joie, bien que la nuit prochaine dût être pour elle la dernière :
mais son travail était presque achevé, et ses frères n’étaient pas loin.
On envoya près d’elle un magistrat pour qu’elle fit la confession de ses
crimes. À la vue de cet homme, Élisa secoua la tête en le priant du regard
et du geste de ne pas insister. Elle devait, cette dernière nuit, terminer son
travail, sans quoi ses tourments, ses larmes, et ses longues veillées, tout eût
été perdu. Le magistrat se retira donc en proférant des menaces ; mais Élisa,
forte de son innocence, continua sa tâche.