Les petites souris apportèrent à ses pieds les orties pour lui venir en aide,
et un merle, posé sur la grille de la fenêtre, chanta toute la nuit pour soutenir
son courage.
Une heure avant le lever du soleil, les onze frères se présentèrent à la porte
du château, demandant à être introduits près du roi. On leur répondit que
c’était impossible ; il faisait encore nuit, le roi dormait, et personne n’oserait
le réveiller. Ils prièrent et menacèrent, de sorte qu’on fut obligé d’appeler les
gardes. À ce bruit, le roi sortit et demanda ce qu’il y avait ; mais, au même
instant, le soleil se montra, et les onze frères disparurent : seulement, onze
cygnes sauvages s’élevèrent au-dessus du château.
La foule accourut aux portes de la ville pour voir brûler la sorcière.
Un cheval décharné traînait la charrette où elle était assise, affublée d’une
blouse de grosse toile. Sa longue et belle chevelure tombait autour de sa tête,
ses joues étaient d’une pâleur mortelle, et ses lèvres s’agitaient doucement,
tandis que ses doigts tissaient toujours la filasse verte. Même sur le chemin
de la-mort, elle n’avait pas voulu interrompre son travail. Les dix tuniques
étaient à ses pieds ; elle achevait la onzième.
Cependant la populace se moquait d’elle et l’injuriait. « Regardez donc
comme elle marmotte, la sorcière ! Ce n’est pas un livre de prières qu’elle
tient à la main. Elle continue ses maléfices jusqu’au dernier moment.
Arrachons-lui cette mauvaise étoffe pour la déchirer en mille morceaux ! »
Des mains brutales allaient saisir l’infortunée, lorsque parurent les onze
cygnes blancs ; ils se placèrent autour d’elle, sur la charrette, et agitèrent
leurs grandes ailes. La foule recula effrayée.