la marée était basse, je vis quelque chose d’assez gros sur le rivage. Cela
ressemblait assez à un tonneau. En approchant, je vis qu’il s’agissait d’un
petit baril et de deux ou trois débris du vaisseau poussés à terre par le dernier
ouragan, puis j’allai près du vaisseau que je pouvais voir sur le sable.
Je me rendis compte qu’il avait été passablement déplacé car, à présent, il
m’était facile d’aller à pied jusqu’à lui quand la mer se retirait. Je fus d’abord
très étonné, mais je conclus bientôt que c’était là un effet du tremblement
de terre ; d’ailleurs, les secousses l’avaient brisé et entrouvert beaucoup
plus qu’il ne l’était auparavant, si bien que la mer détachait peu à peu ses
différentes parties que les vents et les flots amenaient jusque sur le sable.
Voyant cela, je me dis que le plus pressé était, non de commencer ma
nouvelle habitation, mais de mettre en morceaux tout ce qui restait du
vaisseau, persuadé que j’en trouverais l’usage.
Cette besogne m’occupa jusqu’au milieu de juin : j’eus le plaisir de tirer
plusieurs pièces de charpente, nombre de planches, deux ou trois cents livres
de fer. En fin de compte j’avais amassé du merrain, des planches et du fer en
assez grande quantité pour construire un bateau, si j’avais su comment m’y
prendre, et j’avais encore enlevé, peu à peu, près de cent livres de plomb
roulé. Entre temps, j’allais à la pêche avec une grande ligne faite de fil
de corde, mais je n’avais point d’hameçon. Cependant, je prenais assez de
poissons, du moins autant que j’en pouvais consommer : tout l’apprêt que
j’en faisais, c’était de le sécher au soleil, après quoi, je le mangeais.
Aventures de Robinson Crusoé
Daniel Defoe