charmes de sa situation, l’avantage qu’il y aurait à s’y établir à l’abri des
orages du vent d’est, derrière ces bois et ces coteaux. Je conclus que l’endroit
où j’habitais était le plus mauvais de l’île ; je décidai cependant de ne pas le
quitter car il était proche de la mer par laquelle pourrait peut-être m’arriver,
un jour, quelque compagnon.
Mais ce nouvel endroit me plaisait tant que je ne pus m’empêcher d’y
construire une petite métairie au milieu d’une enceinte assez spacieuse. Cette
enceinte était entourée d’une double haie bien palissadée, aussi haute que
je pouvais atteindre et toute remplie, en dedans, de menu bois. Je couchais
quelquefois deux ou trois nuits consécutives dans cette seconde forteresse,
passant et repassant par-dessus la haie avec une échelle comme je faisais
dans la première. Dès lors, je me regardai comme un homme qui avait
deux maisons, l’une sur la côte pour veiller au commerce et à l’arrivée des
vaisseaux, et l’autre à la campagne pour faire la moisson et la vendange. Les
ouvrages et le séjour que je fis en ces lieux durèrent jusqu’au 1er août.
Je commençais à peine à jouir de mes travaux lorsque les pluies vinrent
m’en déloger et me chasser dans ma première habitation d’où je ne pus
pas sortir de si tôt. Heureusement j’avais, auparavant, enlevé mes raisins de
dessus les arbres, les trouvant parfaitement secs, bien cuits au soleil, en un
mot, excellents. J’en avais plus de deux cents grappes que j’eus le temps de
dépendre et de transporter chez moi pour les serrer dans ma caverne. Les
pluies qui commencèrent le 14 août durèrent jusqu’à mi-octobre. Elles se
ralentissaient quelquefois, mais de temps en temps, elles étaient si violentes,
que je ne pouvais bouger de ma caverne pendant plusieurs jours.
Aventures de Robinson Crusoé
Daniel Defoe