IX
Où Robinson trouve
deux compagnons :
un perroquet et un chevreau
J’avais appris à mes dépens combien les pluies étaient contraires à la
santé ; c’est pour cette raison que je faisais toutes mes provisions d’avance,
crainte d’être obligé d’aller dehors pendant les mois pluvieux. Mais il ne
faut pas s’imaginer que je fusse oisif dans ma retraite. J’y trouvais assez
d’occupations car je manquais encore d’une infinité de choses dont je ne
pouvais me pourvoir que par un travail rude et une application continuelle.
Par exemple, je voulus me fabriquer un panier et je m’y pris de plusieurs
manières, mais les verges que j’employais cassaient toujours. Ce n’est pas
la méthode qui me manquait car, tout petit garçon, je fréquentais avec grand
plaisir la boutique d’un vannier à qui je rendais volontiers de petits services
et j’avais soigneusement remarqué la manière dont il travaillait. C’étaient
les matériaux qui me faisaient défaut, mais heureusement il me vint à l’esprit
que les menues branches de l’arbre sur lequel j’avais coupé les pieux de ma
maison de campagne pourraient bien être aussi flexibles que celles du saule
ou de l’osier d’Angleterre. J’allai donc le lendemain couper quelques verges
de l’arbre dont je viens de parler et je les trouvai tout à fait propres à l’usage
que j’en voulais faire. Aussi, j’y retournai bientôt après avec une hache pour
couper une grande quantité de ces menues branches. Je les étendis dans mon
enclos pour les sécher et, dès qu’elles furent à point, je les portai dans ma
caverne où, pendant la saison suivante, je m’occupai à faire bon nombre
de paniers, pour transporter soit de la terre, soit des fruits. J’en fis aussi
quelques-uns de très forts pour serrer mon grain au lieu de le mettre dans
des sacs lorsqu’il me viendrait une forte récolte.
Après ce gros travail je me demandai s’il ne me serait pas possible de
pourvoir à l’extrême besoin que j’avais de deux choses. Premièrement, je
manquais de pots et de vases. Je n’avais pas seulement un ustensile pour faire
cuire quoi que ce fût, excepté une marmite que j’avais sauvée du vaisseau
mais qui était beaucoup trop grande pour mon usage. La seconde chose que
j’aurais bien voulu posséder était une pipe, mais pendant longtemps il me
sembla impossible de la fabriquer.
Aventures de Robinson Crusoé
Daniel Defoe