Ils sentent si bon les oeillets, et maman les aime tant.
RAYMOND.
Hélène, papa dit qu'un homme qui a peur, ce n'est rien du tout; et moi, je veux être quelque chose.»
Alors l'intrépide petit garçon s'étendit sur le rocher qui était à la hauteur d'appui, allongeant son petit corps, puis son petit bras pour atteindre les fleurs qui s'épanouissaient dans un creux où le vent avait apporté un peu de terre. Les petites filles, à genoux, tenaient chacune un de ses pieds.
RAYMOND.
«Tirez à vous, mesdemoiselles, j'ai les fleurs!»
Et les petites tirèrent leur frère à elles jusqu'à ce qu'il pût se redresser.
Et suivant le rocher qui n'était pas plus élevé que le parapet du pont de la Loue, ils arrivèrent auprès d'un gros pied de boule de neige sauvage. Un oiseau en sortit effrayé. Hélène écarta le feuillage, et vit un nid où étaient cinq petits.
HÉLÈNE.
«Approchez tout doucement, petits, pour voir ces pauvres oisillons qui n'ont pas encore de plumes et crient après leur mère.
RAYMOND.
Ils ont l'air de souffrir, les pauvres petits!
HÉLÈNE.
Certainement ils souffrent, et c'est nous qui en sommes cause, parce que nous avons effrayé la petite mère qui les réchauffait. Allons-nous-en.»
Ils tournèrent l'angle du rocher, et se trouvèrent dans une prairie qui allait en pente sur le flanc de la montagne; elle était plantée de cerisiers tout couverts de fruits. Une vieille femme, montée sur une échelle, cueillait des cerises.
RAYMOND.
«Oh! les jolies cerises! comme je vais en manger!»
Et il voulut en prendre quelques-unes que la vieille avait laissées tomber sur le gazon.
HÉLÈNE.
«Raymond, je vous défends d'y toucher: ces cerises ne sont pas à nous, et les enfants bien élevés ne touchent jamais à ce qui ne leur appartient pas.»
Puis allant vers la vieille femme qui était toujours sur le haut de l'échelle, elle lui dit en faisant la révérence:
«Madame, voulez-vous bien nous permettre de manger un peu de ces cerises qui tombent sur l'herbe; nous sommes bien fatigués, et nous avons grand' soif.
LA VIEILLE.
Oui, ma petite demoiselle; mangez-en tant qu'il vous plaira, puisque vous êtes si polie.»