Qu'est-ce qu'il dit là ce petit vagabond, avec son armée noire?
HÉLÈNE, pleurant toujours.
Madame, nous ne sommes point de petits vagabonds. L'armée noire de Raymond, ce sont tous les ouvriers de la forge de papa.
LA VIEILLE, d'un ton rude.
Allons, taisez-vous! Si vous avez réellement un papa et une maman, ils vous ont chassés de chez eux comme de petits mauvais sujets. Voici des épis que les petits vont égrener tout de suite, parce que j'ai besoin de maïs pour en faire moudre au moulin. Quant à toi, la grande, qui fais si bien la raisonneuse, tu vas nettoyer la maison et la laiterie, puis tu iras garder les vaches sur la haute-pierre; et si vous ne travaillez pas bien tous, vous n'aurez point de gaudes ce soir pour votre souper.
RAYMOND.
Elles ne sont pas déjà si bonnes, tes gaudes! on s'en passera bien.
LA VIEILLE.
C'est ce qu'on verra quand tu auras bien faim, petit mutin!»
Les pauvres petits se mirent à l'ouvrage, et la vieille leur donna le soir une pleine assiette de gaudes pour eux trois.
RAYMOND.
«Où vais-je donc coucher, la vieille, moi qui ne suis pas content de ton souper?
SUZANNE.
Et moi qui n'ai ni bonnet ni robe de nuit!
LA VIEILLE.
Vous coucherez sur le tas de paille, dans ce coin là-bas. Les petits vagabonds n'ont pas besoin de lit ni de robe de nuit.
Les pauvres enfants qui s'étaient avancés pour parler à la vieille femme, s'en retournèrent tristement dans leur coin, en se tenant par la main.
HÉLÈNE.
«Petits, il faut prier le bon Dieu.»
Et ils se mirent à genoux.
HÉLÈNE.
«Il faut lui demander pardon.
RAYMOND.
Pardon! pourquoi donc?
HÉLÈNE.
Il faut demander pardon à Dieu, parce que nous avons été désobéissants. Vous savez bien que maman nous avait défendu de sortir de la cour tout seuls; nous lui avons désobéi, et nous voilà bien punis.
SUZANNE.