Mais c'était pour cueillir des fleurs à maman.
HÉLÈNE.
C'est égal, il ne fallait pas passer le pont sans sa permission.»
Après avoir demandé pardon à Dieu, en joignant leurs petites mains, Raymond et Suzanne s'endormirent; mais Hélène, qui était une vaillante petite fille, chercha comment elle ferait le lendemain pour se sauver avec les petits. Elle se souvint que quand elle était à l'ombre de sa maison, regardant la montagne que le soleil éclairait à midi, elle l'avait le matin à sa droite, et qu'il se couchait à sa gauche le soir. Elle se promit de chercher le chemin de sa maison, et elle finit par s'endormir après avoir beaucoup pleuré.
Hélène rêva qu'elle voyait sa mère sur le perron de la maison. Elle était pâle et tout en larmes. Sa bonne et la cuisinière couraient de tous côtés. Puis Jean le cocher galopait à cheval sur la route d'Ornans, pendant que le valet de chambre allait sur celle de Pontarlier. Son père était dans le bateau avec plusieurs forgerons, cherchant dans la rivière le corps des petits enfants; et sa figure était si bouleversée qu'on avait bien de la peine à le reconnaître.
Tout cela fit qu'Hélène dormit très-mal.
Dès le point du jour, la vieille éveilla les enfants.
LA VIEILLE.
«alerte! petits paresseux! vite à l'ouvrage!» Et elle les secoua pour leur faire ouvrir les yeux. Les pauvres enfants s'éveillèrent enfin, tout brisés d'avoir couché sur un lit si dur.
RAYMOND.
Qui donc va nous laver?
SUZANNE.
Et qui fera mes bandeaux et mes nattes.
LA VIEILLE.
On n'en cherche pas si long quand il faut gagner sa vie; voici un reste de gaudes que vous allez manger; puis vous vous remettrez à égrener le maïs. Toi, la grande, tu vas mener la vache aux champs; pendant qu'elle broutera, tu ramasseras toute l'herbe que tu pourras arracher entre les rochers, et tu l'apporteras ici pour son repas de midi.
Hélène mouilla ses mains avec un peu d'eau et lissa les bandeaux de sa soeur sans défaire les nattes. Elle secoua les cheveux frisés de Raymond pour en faire tomber la paille dont ils étaient remplis; puis elle sortit avec la vieille.
Quand elle fut sur la haute-pierre, c'est ainsi qu'on appelle le sommet de la montagne, elle chercha de quel côté était le soleil; puis la vieille étant allée cueillir des cerises, Hélène tourna autour du rocher en se plaçant de façon à avoir le soleil levant à sa gauche pour être en face de sa maison qui était toujours à l'ombre à midi. Elle fut bien étonnée d'apercevoir la forge à ses pieds, car elle ne s'en croyait pas aussi proche.