Elle répéta si souvent sa prière qu'elle s'endormit de fatigue, mais en pleurant toujours.
La bonne rentra: elle prépara le coucher de sa maîtresse et celui de Marthe, puis elle fit ses prières en attendant leur retour.
A dix heures, la voiture qui avait emmené Mme Auclet la ramena. En quittant son amie, elle la remercia de la bonne journée qu'elle lui avait procurée; car Mme Auclert avait eu beaucoup de plaisir au château d'où elle revenait.
Comme la bonne ne fermait pas la porte après le départ de la voiture, Mme Auclert lui demanda ce qu'elle attendait.
«Mais, j'attends Mlle Marthe!
—Comment! Marthe n'est pas couchée?
—Madame l'a bien emmenée avec elle?
—Mais non. Quoi! ma fille n'est pas ici? Ma fille! ma fille! cria la pauvre mère en s'élançant dans l'escalier, comme si elle eût perdu la raison; ma fille, où es-tu?»
On fouilla toute la maison sans trouver l'enfant. Après avoir cherché partout, la bonne se ravisant, dit que Marthe pourrait bien être dans le cabinet aux joujoux.
«C'est impossible, j'en ai ôté la clef moi-même.»
On ouvrit cependant ce cabinet, et l'on trouva Marthe à genoux, et la figure baignée de larmes. Comme sa robe était tachée d'eau de groseille, sa mère, croyant que c'était des taches de sang, s'imagina qu'elle était blessée. Elle se précipita vers elle, la prit dans ses bras et la serra bien fort contre son coeur.
L'enfant, réveillée en sursaut, s'écria:
«O mon bon ange! venez à mon secours! on veut m'emmener loin de maman. Étendez vos ailes, ô mon ange gardien, et cachez-moi bien, je vous en prie!»
Puis, s'étant éveillée tout à fait, elle reconnut sa mère et l'embrassa en pleurant et sanglotant si fort, qu'on ne savait comment l'apaiser.
«O maman, comme je vous remercie de m'avoir appris à aimer mon bon ange! il a entendu ma prière et il m'a envoyé le sommeil, afin que je ne souffrisse pas de la peur ni de la faim.»