【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée I (9)
Don José fronça le sourcil, et leva une main d’un geste d’autorité qui
arrêta la vieille aussitôt. Je me tournai vers mon guide, et, d’un signe
imperceptible, je lui fis comprendre qu’il n’avait rien à m’apprendre sur le
compte de l’homme avec qui j’allais passer la nuit. Le souper fut meilleur
que je ne m’y attendais. On nous servit, sur une petite table haute d’un
pied, un vieux coq fricassé avec du riz et force piments, puis des piments
à l’huile, enfin, du gaspacho, espèce de salade de piments. Trois plats ainsi
épicés nous obligèrent de recourir souvent à une outre de vin de Montilla qui
se trouva délicieux. Après avoir mangé, avisant une mandoline accrochée
contre la muraille, il y a partout des mandolines en Espagne, je demandai à
la petite fille qui nous servait, si elle savait en jouer.
– Non, répondit-elle ; mais don José en joue si bien !
– Soyez assez bon, lui dis-je pour me chanter quelque chose ; j’aime à la
passion votre musique nationale.
– Je ne puis rien refuser à un monsieur si honnête, qui me donne de si
excellents cigares, s’écria don José d’un air de bonne humeur ; et, s’étant
fait donner la mandoline, il chanta en s’accompagnant. Sa voix était rude,
mais pourtant agréable, l’air mélancolique et bizarre ; quant aux paroles, je
n’en compris pas un mot.
– Si je ne me trompe, lui dis-je, ce n’est pas un air espagnol que vous
venez de chanter. Cela ressemble aux zorzicos que j’ai entendus dans les
Provinces, et les paroles doivent être en langue basque.