【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée II (9)
– Comment cela, lui demandai-je un peu surpris.
– Oui, vous savez bien, cette belle montre à répétition que vous faisiez
sonner dans la bibliothèque, quand nous vous disions qu’il était temps d’aller
au chœur. Eh bien ! elle est retrouvée, on vous la rendra.
– C’est-à-dire, interrompis-je un peu décontenancé, que je l’avais
égarée...
– Le coquin est sous les verrous, et, comme on savait qu’il était homme
à tirer un coup de fusil à un chrétien pour lui prendre une piécette, nous
mourions de peur qu’il ne vous eût tué. J’irai avec vous chez le corrégidor,
et nous vous ferons rendre votre belle montre. Et puis, avisez-vous de dire
là-bas que la justice ne sait pas son métier en Espagne !
– Je vous avoue, lui dis-je, que j’aimerais mieux perdre ma montre que
de témoigner en justice pour faire pendre un pauvre diable, surtout parce
que... parce que...
– Oh ! n’ayez aucune inquiétude ; il est bien recommandé, et on ne peut
le pendre deux fois. Quand je dis pendre, je me trompe. C’est un hidalgo
que votre voleur ; il sera donc garrotté après-demain sans rémission. Vous
voyez qu’un vol de plus ou de moins ne changera rien à son affaire. Plut à
Dieu qu’il n’eût que volé ! mais il a commis plusieurs meurtres, tous plus
horribles les uns que les autres.
– Comment se nomme-t-il ?
– On le connaît dans le pays sous le nom de José Navarro ; mais il a
encore un autre nom basque, que ni vous ni moi ne prononcerons jamais.
Tenez, c’est un homme à voir, et vous qui aimez à connaître les singularités
du pays, vous ne devez pas négliger d’apprendre comment en Espagne les
coquins sortent de ce monde. Il est en chapelle, et le père Martinez vous y
conduira.