【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée I (16)
Pourtant est-ce un préjugé que cet instinct de conscience qui résiste à tous
les raisonnements ? Peut-être, dans la situation délicate où je me trouvais,
ne pouvais-je m’en tirer sans remords. Je flottais encore dans la plus grande
incertitude au sujet de la moralité de mon action, lorsque je vis paraître
une demi-douzaine de cavaliers avec Antonio, qui se tenait prudemment à
l’arrière-garde. J’allai au-devant d’eux, et les prévins que le bandit avait pris
la fuite depuis plus de deux heures. La vieille, interrogée par le brigadier,
répondit qu’elle connaissait le Navarro, mais que, vivant seule, elle n’aurait
jamais osé risquer sa vie en le dénonçant. Elle ajouta que son habitude,
lorsqu’il venait chez elle, était de partir toujours au milieu de la nuit. Pour
moi, il me fallut aller, à quelques lieues de là, exhiber mon passeport et signer
une déclaration devant un alcalde, après quoi on me permit de reprendre mes
recherches archéologiques. Antonio me gardait rancune, soupçonnant que
c’était moi qui l’avais empêché de gagner les deux cents ducats. Pourtant
nous nous séparâmes bons amis à Cordoue ; là, je lui donnai une gratification
aussi forte que l’état de mes finances pouvait me le permettre.