【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée III (38)
Padilla, la maîtresse de don Pédro, qui fut, dit-on, la Bari Crallisa, ou la
grande reine des Bohémiens.
– Carmen, lui dis-je, voulez-vous venir avec moi ?
Elle se leva, jeta sa sébile, et mit sa mantille sur sa tête comme prête
à partir. On m’amena mon cheval, elle monta en croupe, et nous nous
éloignâmes.
– Ainsi, lui dis-je, ma Carmen, après un bout de chemin, tu veux bien me
suivre, n’est-ce pas ?
– Je suis à la mort, oui, mais je ne vivrai plus avec toi.
Nous étions dans une gorge solitaire ; j’arrêtai mon cheval.
– Est-ce ici ? dit-elle, et d’un bond elle fut à terre. Elle ôta sa mantille,
la jeta à ses pieds, et se tint immobile un poing sur la hanche, me regardant
fixement.
– Tu veux me tuer, je le vois bien, dit-elle ; c’est écrit, mais tu ne me
feras pas céder.
– Je t’en prie, lui dis-je, sois raisonnable. Écoute-moi ! tout le passé est
oublié. Pourtant, tu le sais, c’est toi qui m’as perdu ; c’est pour toi que je
suis devenu un voleur et un meurtrier. Carmen ! ma Carmen ! laisse-moi te
sauver et me sauver avec toi.
– José, répondit-elle, tu me demandes l’impossible. Je ne t’aime plus ;
toi, tu m’aimes encore, et c’est pour cela que tu veux me tuer. Je pourrais
bien encore te faire quelque mensonge ; mais je ne veux pas m’en donner
la peine. Tout est fini entre nous. Comme mon rom, tu as le droit de tuer ta
romi ; mais Carmen sera toujours libre. Calli elle est née, Calli elle mourra.
– Tu aimes donc Lucas ? lui demandai-je.