【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée III (37)
– Je prie pour tous les affligés, dit-il.
– Pouvez-vous dire une messe pour une âme qui va peut-être paraître
devant son Créateur ?
– Oui, répondit-il en me regardant fixement. – Et comme il y avait dans
mon air quelque chose d’étrange, il voulut me faire parler :
– Il me semble que je vous ai déjà vu, dit-il.
– Je mis une piastre sur son banc. – Quand direz-vous la messe ? lui
demandai-je.
– Dans une demi-heure. Le fils de l’aubergiste de là-bas va venir la servir.
Dites-moi, jeune homme, n’avez-vous pas quelque chose sur la conscience
qui vous tourmente ? voulez-vous écouter les conseils d’un chrétien ?
Je me sentais près de pleurer. Je lui dis que je reviendrais, et je me sauvai.
J’allai me coucher sur l’herbe jusqu’à ce que j’entendisse la cloche. Alors
je m’approchai, mais je restai en dehors de la chapelle. Quand la messe fut
dite, je retournai à la venta. J’espérais presque que Carmen se serait enfuie ;
elle aurait pu prendre mon cheval et se sauver... mais je la retrouvai. Elle ne
voulait pas qu’on pût dire que je lui avais fait peur. Pendant mon absence,
elle avait défait l’ourlet de sa robe pour en retirer le plomb. Maintenant
elle était devant une table, regardant dans une terrine pleine d’eau le plomb
qu’elle avait fait fondre, et qu’elle venait d’y jeter. Elle était si occupée de
sa magie, qu’elle ne s’aperçut pas d’abord de mon retour. Tantôt elle prenait
un morceau de plomb et le tournait de tous les côtés d’un air triste, tantôt
elle chantait quelqu’une de ces chansons magiques où elles invoquent Marie