【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée I (8)
Cheveux blonds, yeux bleus, grande bouche, belles dents, les mains petites ;
une chemise fine, une veste de velours à boutons d’argent, des guêtres de
peau blanche, un cheval bai... plus de doute ! Mais respectons son incognito.
Nous arrivâmes à la venta. Elle était telle qu’il me l’avait dépeinte, c’est-
à-dire une des plus misérables que j’eusse encore rencontrées. Une grande
pièce servait de cuisine, de salle à manger et de chambre à coucher. Sur une
pierre plate, le feu se faisait au milieu de la chambre, et la fumée sortait par
un trou pratiqué dans le toit, ou plutôt s’arrêtait, formant un nuage à quelques
pieds au-dessus du sol. Le long du mur, on voyait étendues par terre cinq
ou six vieilles couvertures de mulets ; c’étaient les lits des voyageurs. À
vingt pas de la maison, ou plutôt de l’unique pièce que je viens de décrire,
s’élevait une espèce de hangar servant d’écurie. Dans ce charmant séjour, il
n’y avait d’autres êtres humains, du moins pour le moment, qu’une vieille
femme et une petite fille de dix à douze ans, toutes les deux de couleur de
suie et vêtues d’horribles haillons. – Voilà donc tout ce qui reste, me dis-je,
de la population de Munda Baetica ! Ô César ! ô Sextus Pompée ! que vous
seriez surpris si vous reveniez au monde !
En apercevant mon compagnon, la vieille laissa échapper une
exclamation de surprise. – Ah ! seigneur don José ! s’écria-t-elle.