【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée I (7)
Les signes mystérieux d’Antonio, son inquiétude, quelques mots
échappés à l’inconnu, surtout sa course de trente lieues et l’explication
peu plausible qu’il en avait donnée, avaient déjà formé mon opinion sur
le compte de mon compagnon de voyage. Je ne doutai pas que je n’eusse
affaire à un contrebandier, peut-être à un voleur ; mais que m’importait ? Je
connaissais assez le caractère espagnol pour être très sûr de n’avoir rien à
craindre d’un homme qui avait mangé et fumé avec moi. Sa présence même
était une protection assurée contre toute mauvaise rencontre. D’ailleurs,
j’étais bien aise de savoir ce que c’est qu’un brigand. On n’en voit pas tous
les jours, et il y a un certain charme à se trouver auprès d’un être dangereux,
surtout lorsqu’on le sent doux et apprivoisé.
J’espérais amener par degrés l’inconnu à me faire des confidences, et,
malgré les clignements d’yeux de mon guide, je mis la conversation sur les
voleurs de grand chemin. Bien entendu que j’en parlai avec respect. Il y avait
alors en Andalousie un fameux bandit nommé José-Maria, dont les exploits
étaient dans toutes les bouches. – Si j’étais à côté de José-Maria ? me disais-
je... Je racontai les histoires que je savais de ce héros, toutes à sa louange
d’ailleurs, et j’exprimai hautement mon admiration pour sa bravoure et sa
générosité.
– José-Maria n’est qu’un drôle, dit froidement l’étranger.
– Se rend-il justice, ou bien est-ce excès de modestie de sa part ? me
demandais-je mentalement ; car, à force de considérer mon compagnon,
j’étais parvenu à lui appliquer le signalement de José-Maria, que j’avais
lu affiché aux portes de maintes villes d’Andalousie. – Oui, c’est bien lui.