【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée II (6)
Malheureusement nous fûmes bientôt dérangés. La porte s’ouvrit tout
à coup avec violence, et un homme, enveloppé jusqu’aux yeux dans un
manteau brun entra dans la chambre en apostrophant la Bohémienne d’une
façon peu gracieuse. Je n’entendais pas ce qu’il disait, mais le ton de sa voix
indiquait qu’il était de fort mauvaise humeur. À sa vue, la gitana ne montra
ni surprise ni colère, mais elle accourut à sa rencontre, et, avec une volubilité
extraordinaire, lui adressa quelques phrases dans la langue mystérieuse dont
elle s’était déjà servie devant moi. Le mot de payllo, souvent répété, était le
seul mot que je comprisse. Je savais que les Bohémiens désignent ainsi tout
homme étranger à leur race. Supposant qu’il s’agissait de moi, je m’attendais
à une explication délicate ; déjà j’avais la main sur le pied d’un des tabourets,
et je syllogisais à part moi pour deviner le moment précis où il conviendrait
de le jeter à la tête de l’intrus. Celui-ci repoussa rudement la Bohémienne,
et s’avança vers moi ; puis, reculant d’un pas :
– Ah ! Monsieur, dit-il, c’est vous !
Je le regardai à mon tour, et reconnus mon ami don José. En ce moment,
je regrettais un peu de ne pas l’avoir laissé pendre.
– Eh ! c’est vous, mon brave ! m’écriai-je en riant le moins jaune que je
pus ; vous avez interrompu mademoiselle au moment où elle m’annonçait
des choses bien intéressantes.