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【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée III (21)

时间:2021-09-12来源:互联网 进入法语论坛
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【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée III (21)

Notre troupe qui se composait de huit ou dix hommes ne se réunissait
guère que dans les moments décisifs, et d’ordinaire nous étions dispersés
deux à deux, trois à trois, dans les villes et les villages. Chacun de nous
prétendait avoir un métier : celui-ci était chaudronnier, celui-là maquignon ;
moi, j’étais marchand de merceries, mais je ne me montrais guère dans les
gros endroits à cause de ma mauvaise affaire de Séville. Un jour, ou plutôt
une nuit, notre rendez-vous était au bas de Véjer. Le Dancaïre et moi nous
nous y trouvâmes avant les autres. Il paraissait fort gai. – Nous allons avoir
un camarade de plus, me dit-il. Carmen vient de faire un de ses meilleurs
tours. Elle vient de faire échapper son rom qui était au presidio à Tarifa. –
Je commençais déjà à comprendre le Bohémien que parlaient presque tous
mes camarades, et ce mot de rom me causa un saisissement. – Comment !
son mari ! elle est donc mariée ? demandai-je au capitaine.
– Oui, répondit-il, à Garcia-le-Borgne, un Bohémien aussi futé qu’elle.
Le  pauvre  garçon  était  aux  galères.  Carmen  a  si  bien  embobeliné  le
chirurgien du presidio, qu’elle en a obtenu la liberté de son rom. Ah ! cette
fille-là vaut son pesant d’or. Il y a deux ans qu’elle cherche à le faire évader.
Rien n’a réussi, jusqu’à ce qu’on s’est avisé de changer le major. Avec
celui-ci, il paraît qu’elle a trouvé bien vite le moyen de s’entendre. – Vous
vous imaginez le plaisir que me fit cette nouvelle. Je vis bientôt Garcia-le-
Borgne ; c’était bien le plus vilain monstre que la Bohême ait nourri : noir
de peau et plus noir d’âme, c’était le plus franc scélérat que j’aie rencontré
dans ma vie. Carmen vint avec lui, et, lorsqu’elle l’appelait son rom devant
moi, il fallait voir les yeux qu’elle me faisait, et ses grimaces quand Garcia
tournait la tête. J’étais indigné, et je ne lui parlai pas de la nuit. Le matin
nous avions fait nos ballots, et nous étions déjà en route, quand nous nous
aperçûmes qu’une douzaine de cavaliers étaient à nos trousses. Les fanfarons
Andalous, qui ne parlaient que de tout massacrer, firent aussitôt piteuse
mine. Ce fut un sauve qui peut général. Le Dancaïre, Garcia, un joli garçon
d’Ecija, qui s’appelait le Remendado, et Carmen ne perdirent pas la tête.

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