Marie était une bonne petite fille. Elle aimait bien sa maman, pauvre veuve qui n'avait qu'elle pour consolation. Elle était charitable et travailleuse, et eût été parfaite sans un vilain défaut qui la faisait détester de tout le voisinage: elle était si curieuse, qu'elle s'arrangeait toujours de façon à savoir tout ce qui se faisait ou se disait autour d'elle.
Sa mère, étant couturière, recevait souvent chez elle des dames qui venaient pour essayer leurs robes; comme elles ne voulaient pas se déshabiller devant l'enfant, on la renvoyait dans la chambre voisine, ce qui n'arrangeait pas Marie. Aussi la petite curieuse mettait l'oreille à la porte pour tâcher d'entendre ce que l'on disait.
La maman de Marie s'étant aperçue qu'elle écoutait aux portes, en avait un grand chagrin; car elle sentait que si sa fille ne se corrigeait pas, personne ne l'aimerait quand elle serait grande. Elle essaya de lui faire comprendre qu'il était presque aussi malhonnête de surprendre les secrets des gens malgré eux que de prendre leur bourse, parce que leurs secrets sont à eux seuls aussi bien que leur argent.
Marie allait aussi chez les voisins pour tâcher de savoir leurs affaires, et souvent elle y était fort mal reçue. Elle rentrait toute chagrine quand on l'avait mise à la porte des maisons où elle venait épier ce qui s'y faisait; elle se promettait de n'y plus retourner, mais sa grande curiosité lui faisait bien vite oublier les affronts qu'elle avait reçus.
Un jour, un monsieur vint chez la couturière et demanda à parler à elle seule. Il voulait qu'elle fît une belle robe pour la fête de sa femme, et tenait à ce qu'on ne sût rien de la surprise qu'il lui ménageait.
On renvoya Marie, à son grand regret! Quand elle fut seule dans l'atelier, car les ouvrières étaient allées goûter, elle se rapprocha tout doucement de la porte qui n'était pas tout à fait fermée, afin de savoir ce qu'on avait à dire à sa maman.
Le monsieur, qui avait déjà commencé à parler, s'aperçut, en tournant la tête, que la porte était restée entr'ouverte, et il se leva pour l'aller fermer. Il ne l'eut pas plutôt tirée à lui qu'un cri terrible, parti de l'autre chambre, la lui fit rouvrir aussitôt, et il trouva l'enfant étendue par terre et sans connaissance. C'est que Marie avait le doigt dans la fente de la porte quand on Pavait fermée, et son doigt avait été écrasé.
On alla chercher un médecin; Marie souffrait beaucoup, et son doigt fut plus de trois mois à guérir.