«Mais, tante Monique, dit Jules un peu déconcerté, je ne vole pas, puisque cet argent est à mon père!
—Tu voles ton père, malheureux! car ce qui lui appartient ne t'appartient pas; et c'est d'autant plus mal qu'il a toute confiance en toi. Remets tout de suite ce que tu as pris! Tu sais bien que nous ne sommes pas assez riches pour te donner des pièces de cinq francs pour tes menus plaisirs.»
Jules, n'osant pas résister à sa tante, remit l'argent dans le tiroir.
«Mon enfant, dit tante Monique en pleurant, tu as là un malheureux penchant qui te mènera à ta perte, et tes parents ne survivront pas à ton infamie; car si tu déshonores ton père, il en mourra; et ta mère ni moi ne pourrons jamais nous consoler.
—Mon Dieu, tante Monique, vous faites bien du bruit pour des enfantillages!
—Jules, ce ne sont pas là des enfantillages, mais des choses bien graves, au contraire! Tu as treize ans passés, et tu sais bien que le vol est un crime que la loi punit; tu sais aussi combien l'honnêteté est estimée dans le monde, et tu n'ignores pas qu'en volant tu fais une chose honteuse.
—Ma petite tante, vous ne direz pas à mon père ce qui vient d'arriver, n'est-ce pas? tante Monique! vous ne voudriez pas lui faire du chagrin, ni à moi non plus!»
Il embrassa sa tante et lui fit mille caresses.
La pauvre fille, qui était très-émue, se laissa attendrir et promit de se taire.
Une autre fois, longtemps après, un mercier dont le jardin n'était séparé de celui de M. Longuet que par une palissade, vint lui raconter qu'on lui avait pris presque toutes les pêches de son espalier.
«J'en suis d'autant plus contrarié, ajouta cet homme, que j'ai pris beaucoup de peine pour les préserver de la gelée cet hiver; je suis peut-être le seul en ville qui en ait d'aussi belles, et je comptais les offrir à notre maire, qui m'a rendu un grand service. Heureusement il m'en reste encore quelques-unes.»
Jules, qui était présent, sourit malignement et quitta la boutique, ce qui n'échappa point à tante Monique.