M. Piquet, honnête cordonnier qui avait une boutique bien achalandée, était père de quatre enfants.
Eugénie, l'aînée, âgée de douze ans, était extrêmement paresseuse. Sa mère lui confiait souvent la garde de ses petits frères, pendant qu'elle-même surveillait les ouvrières qui bordaient les souliers et piquaient les bottines; mais Eugénie, au lieu de s'occuper des enfants, se mettait à la fenêtre ou bien s'asseyait sur sa petite chaise; et comme il était fort ennuyeux de ne rien faire, la petite fille s'assoupissait ordinairement. Pourtant elle dormait bien toutes les nuits, et le matin sa mère avait mille peines à l'éveiller. Si on la chargeait de surveiller le pot-au-feu ou bien la casserole où cuisait le dîner de sa famille, elle n'y faisait aucune attention. Le pot bouillait trop fort et le bouillon se perdait, ou bien le ragoût brûlait.
Le père de cette petite fille la grondait souvent à cause de sa paresse, et même il la battait quelquefois; mais rien n'y faisait. Cette enfant était toujours sale et mal tenue, malgré les recommandations de sa mère. Comme elle était d'âge à s'habiller seule, Mme Piquet, qui avait beaucoup d'occupations, se contentait de lui recommander la propreté, sans s'assurer par elle-même si elle était obéie. La petite paresseuse, au lieu de se peigner chaque matin, renfermait ses cheveux dans son serre-tête. Un jour que sa mère avait le temps de la coiffer, elle lui trouva les cheveux si mêlés qu'elle ne put y faire entrer le peigne et qu'elle fut obligée de les couper, au grand regret d'Eugénie qui y tenait beaucoup.
M. Piquet étant allé en ville prendre mesure de souliers, sa femme resta avec les ouvrières pour leur distribuer l'ouvrage. Elle recommanda à Eugénie de ne pas quitter le plus jeune de ses frères, qui avait la rougeole.
«Tu entends bien, ma fille? il ne faut pas laisser ton frère seul un instant; car s'il sort seulement les bras de son lit, il peut en mourir.
—Soyez tranquille, maman, j'en aurai bien soin.
—Eugénie, je me défie de ta paresse: songe qu'il y va de la vie de ton frère!»