Bientôt elle reprit : « Si j’allais traverser complètement la terre ? Comme
ça serait drôle de se trouver au milieu de gens qui marchent la tête en bas.
Aux Antipathies, je crois. » (Elle n’était pas fâchée cette fois qu’il n’y eût
personne là pour l’entendre, car ce mot ne lui faisait pas l’effet d’être bien
juste.) « Eh mais, j’aurai à leur demander le nom du pays. – Pardon, Madame,
est-ce ici la Nouvelle-Zemble ou l’Australie ? » – En même temps elle essaya
de faire la révérence. (Quelle idée ! Faire la révérence en l’air ! Dites-moi un
peu, comment vous y prendriez-vous ?) « "Quelle petite ignorante !" pensera
la dame quand je lui ferai cette question. Non, il ne faut pas demander cela ;
peut-être le verrai-je écrit quelque part. »
Tombe, tombe, tombe ! – Donc Alice, faute d’avoir rien de mieux à
faire, se remit à se parler : « Dinah remarquera mon absence ce soir, bien
sûr. » (Dinah c’était son chat.) « Pourvu qu’on n’oublie pas de lui donner
sa jatte de lait à l’heure du thé. Dinah, ma minette, que n’es-tu ici avec
moi ? Il n’y a pas de souris dans les airs, j’en ai bien peur ; mais tu pourrais
attraper une chauve-souris, et cela ressemble beaucoup à une souris, tu sais.
Mais les chats mangent-ils les chauves-souris ? » Ici le sommeil commença
à gagner Alice. Elle répétait, à moitié endormie : « Les chats mangentils les
chauves-souris ? Les chats mangent-ils les chauves-souris ? » Et
quelquefois : « Les chauves-souris mangent-elles les chats ? » Car vous
comprenez bien que, puisqu’elle ne pouvait répondre ni à l’une ni à l’autre
de ces questions, peu importait la manière de les poser. Elle s’assoupissait et
commençait à rêver qu’elle se promenait tenant Dinah par la main, lui disant
très sérieusement : « Voyons, Dinah, dis-moi la vérité, as-tu jamais mangé
des chauves-souris ? » Quand tout à coup, pouf ! la voilà étendue sur un tas
de fagots et de feuilles sèches, – et elle a fini de tomber.