« Du champignon, » dit la Chenille, comme si Alice avait parlé tout haut ;
et un moment après la Chenille avait disparu.
Alice contempla le champignon d’un air pensif pendant un instant,
essayant de deviner quels en étaient les côtés ; et comme le champignon était
tout rond, elle trouva la question fort embarrassante. Enfin elle étendit ses
bras tout autour, en les allongeant autant que possible, et, de chaque main,
enleva une petite partie du bord du champignon.
« Maintenant, lequel des deux ? » se dit-elle, et elle grignota un peu du
morceau de la main droite pour voir quel effet il produirait. Presque aussitôt
elle reçut un coup violent sous le menton ; il venait de frapper contre son
pied.
Ce brusque changement lui fit grand-peur, mais elle comprit qu’il n’y
avait pas de temps à perdre, car elle diminuait rapidement. Elle se mit donc
bien vite à manger un peu de l’autre morceau. Son menton était si rapproché
de son pied qu’il y avait à peine assez de place pour qu’elle pût ouvrir la
bouche. Elle y réussit enfin, et parvint à avaler une partie du morceau de la
main gauche.
« Voilà enfin ma tête libre, » dit Alice d’un ton joyeux qui se changea
bientôt en cris d’épouvante, quand elle s’aperçut de l’absence de ses épaules.
Tout ce qu’elle pouvait voir en regardant en bas, c’était un cou long à n’en
plus finir qui semblait se dresser comme une tige, du milieu d’un océan de
verdure s’étendant bien loin au-dessous d’elle.
« Qu’est-ce que c’est que toute cette verdure ? » dit Alice. « Et où donc
sont mes épaules ? Oh ! mes pauvres mains ! Comment se fait-il que je ne
puis vous voir ? » Tout en parlant elle agitait les mains, mais il n’en résulta
qu’un petit mouvement au loin parmi les feuilles vertes.