Comme elle ne trouvait pas le moyen de porter ses mains à sa tête, elle
tâcha de porter sa tête à ses mains, et s’aperçut avec joie que son cou se
repliait avec aisance de tous côtés comme un serpent. Elle venait de réussir à
le plier en un gracieux zigzag, et allait plonger parmi les feuilles, qui étaient
tout simplement le haut des arbres sous lesquels elle avait erré, quand un
sifflement aigu la força de reculer promptement ; un gros pigeon venait de
lui voler à la figure, et lui donnait de grands coups d’ailes.
« Serpent ! » criait le Pigeon.
« Je ne suis pas un serpent, » dit Alice, avec indignation. « Laissez-moi
tranquille. »
« Serpent ! Je le répète, » dit le Pigeon, mais d’un ton plus doux ; puis
il continua avec une espèce de sanglot : « J’ai essayé de toutes les façons,
rien ne semble les satisfaire. »
« Je n’ai pas la moindre idée de ce que vous voulez dire, » répondit Alice.
« J’ai essayé des racines d’arbres ; j’ai essayé des talus ; j’ai essayé des
haies, » continua le Pigeon sans faire attention à elle. « Mais ces serpents !
il n’y a pas moyen de les satisfaire. »
Alice était de plus en plus intriguée, mais elle pensa que ce n’était pas la
peine de rien dire avant que le Pigeon eût fini de parler.
« Je n’ai donc pas assez de mal à couver mes œufs, » dit le Pigeon. « Il
faut encore que je guette les serpents nuit et jour. Je n’ai pas fermé l’œil
depuis trois semaines ! »
« Je suis fâchée que vous ayez été tourmenté, » dit Alice, qui commençait
à comprendre.