CHAPITRE III La course cocasse (1)
Ils formaient une assemblée bien grotesque ces êtres singuliers réunis sur
le bord de la mare ; les uns avaient leurs plumes tout en désordre, les autres
le poil plaqué contre le corps. Tous étaient trempés, de mauvaise humeur,
et fort mal à l’aise.
« Comment faire pour nous sécher ? » ce fut la première question, cela
va sans dire. Au bout de quelques instants, il sembla tout naturel à Alice de
causer familièrement avec ces animaux, comme si elle les connaissait depuis
son berceau. Elle eut même une longue discussion avec le Lory, qui, à la fin,
lui fit la mine et lui dit d’un air boudeur : « Je suis plus âgé que vous, et je
dois par conséquent en savoir plus long. » Alice ne voulut pas accepter cette
conclusion avant de savoir l’âge du Lory, et comme celui-ci refusa tout net
de le lui dire, cela mit un terme au débat.
Enfin la Souris, qui paraissait avoir un certain ascendant sur les autres,
leur cria : « Asseyez-vous tous, et écoutez-moi ! Je vais bientôt vous faire
sécher, je vous en réponds ! » Vite, tout le monde s’assit en rond autour de la
Souris, sur qui Alice tenait les yeux fixés avec inquiétude, car elle se disait :
« Je vais attraper un vilain rhume si je ne sèche pas bientôt. »
« Hum ! » fit la Souris d’un air d’importance ; « êtes-vous prêts ? Je ne sais
rien de plus sec que ceci. Silence dans le cercle, je vous prie. Guillaume le
Conquérant, dont le pape avait embrassé le parti, soumit bientôt les Anglais,
qui manquaient de chefs, et commençaient à s’accoutumer aux usurpations
et aux conquêtes des étrangers. Edwin et Morcar, comtes de Mercie et de
Northumbrie. »