【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (98)
– Écoute-moi bien, reprit-elle d’une voix plus profonde. Tu ne veux
pas, je pense, qu’on vienne piller ta boutique, vider ta cave, voler ton
argent ? Si ces hommes de chez monsieur Lebigre triomphaient, crois-tu
que, le lendemain, tu serais chaudement couché comme tu es là ? et quand
tu descendrais à la cuisine, crois-tu que tu te mettrais paisiblement à tes
galantines, comme tu le feras tout à l’heure ? Non, n’est-ce pas ?… Alors,
pourquoi parles-tu de renverser le gouvernement, qui te protège et te permet
de faire des économies ? Tu as une femme, tu as une fille, tu te dois à elles
avant tout. Tu serais coupable, si tu risquais leur bonheur. Il n’y a que les
gens sans feu ni lieu, n’ayant rien à perdre, qui veulent des coups de fusil.
Tu n’entends pas être le dindon de la farce, peut-être ! Reste donc chez toi,
grande bête, dors bien, mange bien, gagne de l’argent, aie la conscience
tranquille, dis-toi que la France se débarbouillera toute seule, si l’empire la
tracasse. Elle n’a pas besoin de toi, la France !