【Emile Zola】Le Ventre de Paris III (60)
Si bien qu’elle devint comme jalouse de la belle Lisa. Elle avançait sa chaise
davantage, regardait Florent d’un sourire embarrassant.
– Mais, maman, tu me pousses le coude, tu m’empêches d’écrire ! disait
Muche en colère. Tiens ! voilà un pâté, maintenant ! Recule-toi donc !
Peu à peu, elle en vint à dire beaucoup de mal de la belle Lisa.
Elle prétendait qu’elle cachait son âge, qu’elle se serrait à étouffer dans
ses corsets ; si, dès le matin, la charcutière descendait, sanglée, vernie,
sans qu’un cheveu dépassât l’autre, c’était qu’elle devait être affreuse en
déshabillé. Alors, elle levait un peu les bras, en montrant qu’elle, dans son
intérieur, ne portait pas de corset ; et elle gardait son sourire, développant
son torse superbe, qu’on sentait rouler et vivre, sous sa mince camisole mal
attachée. La leçon était interrompue. Muche, intéressé, regardait sa mère
lever les bras. Florent écoutait, riait même, avec l’idée que les femmes
étaient bien drôles. La rivalité de la belle Normande et de la belle Lisa
l’amusait.
Muche, cependant, achevait sa page d’écriture. Florent, qui avait une
belle main, préparait des modèles, des bandes de papier, sur lesquelles il
écrivait, en gros et en demi-gros, les mots très longs, tenant toute la ligne.