Il resta un instant la main en l’air, complaisamment, l’attitude molle ;
cette main qui vivait dans des seaux de sang était toute rose, avec des ongles
vifs, au bout de la manche blanche. Quenu avait approuvé de la tête. Il y eut
un silence. Léon hachait toujours. Pauline, qui était restée songeuse, remonta
sur les pieds de son cousin, en criant de sa voix claire :
– Dis, cousin, raconte-moi l’histoire du monsieur qui a été mangé par les
bêtes.
Sans doute, dans cette tête de gamine, l’idée du sang des cochons avait
éveillé celle « du monsieur mangé par les bêtes. » Florent ne comprenait
pas, demandait quel monsieur. Lisa se mit à rire.
– Elle demande l’histoire de ce malheureux, vous savez, cette histoire
que vous avez dite un soir à Gavard. Elle l’aura entendue.
Florent était devenu tout grave. La petite alla prendre dans ses bras le gros
chat jaune, l’apporta sur les genoux du cousin, en disant que Mouton, lui
aussi, voulait écouter l’histoire. Mais Mouton sauta sur la table. Il resta là,
assis, le dos arrondi, contemplant ce grand garçon maigre qui, depuis quinze
jours, semblait être pour lui un continuel sujet de profondes réflexions.
Cependant, Pauline se fâchait, elle tapait des pieds, elle voulait l’histoire.
Comme elle était vraiment insupportable :
– Eh ! racontez-lui donc ce qu’elle demande, dit Lisa à Florent, elle nous
laissera tranquille.