Cadine vendit aussi du cresson. « À deux sous la botte ! à deux sous la
botte ! » Et c’était Marjolin qui entrait dans les boutiques pour offrir le beau
cresson de fontaine, la santé du corps ! » Mais les Halles centrales venaient
d’être construites ; la petite restait en extase devant l’allée aux fleurs qui
traverse le pavillon des fruits. Là, tout le long, les bancs de vente, comme des
plates-bandes aux deux bords d’un sentier, fleurissent, épanouissent de gros
bouquets ; c’est une moisson odorante, deux haies épaisses de roses, entre
lesquelles les filles du quartier aiment à passer, souriantes, un peu étouffées
par la senteur trop forte ; et, en haut des étalages, il y a des fleurs artificielles,
des feuillages de papier où des gouttes de gomme font des gouttes de rosée,
des couronnes de cimetière en perles noires et blanches qui se moirent de
reflets bleus. Cadine ouvrait son nez rose avec des sensualités de chatte ;
elle s’arrêtait dans cette fraîcheur douce, emportait tout ce qu’elle pouvait de
parfum. Quand elle mettait son chignon sous le nez de Marjolin, il disait que
ça sentait l’œillet. Elle jurait qu’elle ne se servait plus de pommade, qu’il
suffisait de passer dans l’allée. Puis, elle intrigua tellement, qu’elle entra au
service d’une des marchandes. Alors, Marjolin trouva qu’elle sentait bon des
pieds à la tête. Elle vivait dans les roses, dans les lilas, dans les giroflées, dans
les muguets. Lui, flairant sa jupe, longuement, en manière de jeu, semblait
chercher, finissait par dire : « Ça sent le muguet. » Il montait à la taille,
au corsage, reniflait plus fort : « Ça sent la giroflée. » Et aux manches, à
la jointure des poignets : « Ça sent le lilas. » Et à la nuque, tout autour du
cou, sur les joues, sur les lèvres : « Ça sent la rose. » Cadine riait, l’appelait
« bêta, » lui criait de finir, parce qu’il lui faisait des chatouilles avec le bout
de son nez. Elle avait une haleine de jasmin. Elle était un bouquet tiède et
vivant.