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CHAPTER V

时间:2020-10-06来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:L'atelier de Langibout tait un immense atelier peint en vert olive. Sur le mur d'un des cts, sous le jour de la baie ouv
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 L'atelier de Langibout était un immense atelier peint en vert olive. Sur le mur d'un des côtés, sous le jour de la baie ouverte en face, se dressait la table à modèle, avec la barre de fer où s'attache la corde pour la pose des bras levés en l'air, les talonnières pour supporter le talon qui ne pose pas, le T en cuir verni où s'appuie le bras qui repose.
 
Une boiserie montait tout le long de l'atelier, à une hauteur de sept à huit pieds. Des grattages de palette, des adresses de modèles, des portraits-charges la couvraient presque entièrement. Un faux-col sur un pantalon représentait les longues jambes de l'un; un bilboquet caricaturait la grosse tête de l'autre; un garde national sortant d'une guérite par une neige qui lui argentait le nez et les épaulettes, moquait les ambitions miliciennes de celui-ci. Un gentilhomme amateur était représenté dans un bocal, sous la figure d'un cornichon, avec la devise au-dessous: Semper viret. Et çà et là, à travers les caricatures éparses, semées au hasard, on lisait: Sarah Levy, la tête, rien que la tête, rue des Barres-Saint-Paul; et plus loin: Armand David, fifre sous Louis XVI, modèle de torse, fait la canne.
 
Sur une des parois latérales se levait le Discobole, moulage de Jacquet.
 
Les sculpteurs et les peintres, au nombre d'environ soixante, les sculpteurs avec leurs sellettes et leurs terrines à terre, les peintres, juchés sur de hauts tabourets, formaient trois rangs devant la table à modèle.
 
On voyait là:
 
Javelas, «l'homme aux bouillons», le patito de mademoiselle Gourganson, le pâtira, le souffre-douleur de l'atelier, un méridional naïf, un gobeur avalant tout, et qu'on avait décidé à promener son chapeau gris la nuit, en lui affirmant que le clair de lune était le meilleur blanchisseur des castors; Javelas, auquel Anatole, en lui rognant un peu sa canne tous les jours, arriva au bout d'une semaine à persuader qu'il grandissait, et qu'il n'avait que le temps de se soigner, la croissance à son âge étant toujours un signe de maladie; Javelas, qui était sculpteur, et qui avait pour spécialité les sujets de piété;
 
Lestonnat, aux cheveux en broussaille enflammée, aux yeux clignotants, aux cils d'albinos; Lestonnat ne voyant des couleurs, que le blond et la tendresse, faisant des esquisses laiteuses et charmantes, peintre-né des mythologies plafonnantes;
 
Grandvoinet, un maigre garçon qu'on appelait Moins-Cinq, à cause de sa réponse aux arrivants, qui le trouvaient toujours le premier à l'atelier, et lui disaient:—Tiens, il est l'heure?—Non, messieurs, il est l'heure moins cinq minutes. Grand acheteur de gravures du Poussin, excellent et doux garçon, n'entrant en colère que lorsque le modèle avait oublié de poser son mouchoir sur le tabouret, et volait ainsi quelques secondes à la pose; le type du fruit sec exemplaire, dont l'application, la vocation ingrate, l'effort désespéré étaient respectés avec une sorte de commisération par la blague de ses camarades;
 
Le grand Lestringant, derrière le dos duquel Langibout s'arrêtait, étonné et souriant d'un détail exagéré ou forcé dans une académie bien dessinée:—«C'est bien, lui disait-il, vous voyez comme cela, c'est bien, mon ami, vous voyez comique…» Lestringant, qui devait obéir à sa vraie vocation, abandonner bientôt l'histoire pour mettre l'esprit de Paris dans la caricature;
 
Le petit Deloche, joli gamin, la mine spirituelle et effrontée, arrivant la casquette en casseur, la blouse tapageuse, engueulant les modèles, faisant le crâne: il n'y avait pas trois mois qu'arrivant de son collége et de sa province dans des habits de première communio rallongés, et tombant dans l'atelier, au milieu d'une séance de modèle de femme, il était resté pétrifié devant «la madame» toute nue, ses yeux de petit garçon démesurément ouverts, les bras ballants, et laissant glisser de stupéfaction son carton par terre, au milieu du rire homérique des élèves;
 
Rouvillain, un nomade, qui, dès qu'il avait pu réunir vingt francs, donnait rendez-vous à l'atelier pour qu'on lui fît la conduite jusqu'à la barrière Fontainebleau: de là, il s'en allait d'une trotte aux Pyrénées, frappant à la porte du premier curé qu'il trouvait le premier soir, lui faisant une tête de vierge ou une petite restauration, emportant une lettre pour un curé de plus loin; et, de recommandations en recommandations, de curé en curé, gagnant la frontière d'Espagne, d'où il revenait à Paris par les mêmes étapes;
 
Garbuliez, un Suisse, fils d'un cabinotier de Genève; qui avait rapporté de son pays le culte de son compatriote Grosclaude, et la charge du peintre Jean Belin chez le Grand-Turc;
 
Malambic «et son sou de fusain», ainsi nommé par l'atelier, à cause de ses interminables jambes, éternellement enfermées dans un pantalon noir, et si justement comparées aux deux bâtons de charbon que les papetiers donnent pour un sou;
 
Massiquot, beau d'une beauté antique, le front bas avec les cheveux frisés à la ninivite, des traits d'Antinoüs avec un sourire de Méphistophélès; un garçon qui avait l'étoffe d'un grand sculpteur, mais dont le temps et le talent allaient se perdre dans la gymnastique, les tours de force, les excès d'exercice auxquels l'entraînait l'orgueil du développement de son corps; Massiquot, le massier des élèves;
 
Lemesureur, le massier de l'atelier, l'intermédiaire entre le maître et les élèves, l'homme de confiance du patron, qui reçoit la contribution mensuelle, écrit aux modèles, surveille le mobilier, et fait payer les tabourets et les carreaux cassés; Lemesureur, ancien huissier de Montargis, marié à une repriseuse de cachemire, et qui faisait, dans l'atelier, un petit commerce, en achetant dix francs les têtes bien dessinées qu'il revendait à des pensionnats comme modèles;
 
Schulinger, un Alsacien à tournure de caporal prussien, grand bredouilleur de français, qui brossait de temps en temps, entre deux saoûleries de bière, une figure rappelant le gris argentin de Velasquez;
 
Blondulot, un petit vaurien de Paris, pris en sevrage par un amateur braque très-connu qui, de temps en temps croyait découvrir un Raphaël dans quelque peintriot comme Blondulot, dont il surveillait les mœurs avec une jalousie intéressée de mère d'actrice, et qu'il allait recommander aux critiques, en disant: «Il est pur! c'est un ange!…»
 
Jacquillat, qui n'avait aucun talent, mais que Langibout soignait: c'était le fils de ce Jacquillat qui avait donné des leçons de tour à M. de Clarac et qui exécutait l'étoile à huit cercles;
 
Montariol, le mondain, qui déjeunait souvent dans les crêmeries avec les domestiques des bals dont il sortait, le monsieur bien mis à l'atelier; mais ayant dans ses élégances des solutions de continuité et des accrocs, et regardant l'heure à une montre dont le verre avait été recollé avec de la cire à cacheter;
 
Lamoize, aux cheveux ras, au blanc de l'œil bleu, au teint indien, toujours serré dans un habit noir râpé; un liseur, un républicain, un musicien, qui faisait de la peinture à idées;
 
Dagousset, le louche, qui faisait loucher tous les yeux qu'il peignait par cette tendance singulière et fatale qu'ont presque tous les artistes à refléter dans leurs œuvres l'infirmité marquante de leur personne.
 
Puis c'était «Système», Système, auquel on ne connaissait de nom que ce sobriquet; Système, peignant, à cloche-pied, la main gauche tenant la palette, appuyée sur une tringle de fer; Système posant sur son bras, dont il retroussait la manche, le ton de chair pris sur sa palette, et l'approchant du modèle pour le comparer; Système qui partageait avec Javelas le rôle de martyr de l'atelier.
 
Et l'atelier Langibout possédait encore les deux types du cuveur et du rêveur dans le peintre Vivarais et le sculpteur Romanet. Vivarais était l'homme qui passait sa vie à «s'imprégner» sans presque jamais peindre; et c'était Romanet qui disait un jour, sur le pas de sa porte à Anatole:—Vois-tu, mon cher, pour mon buste, il fallait le marbre…—Pourquoi pas en terre? c'est si long, le marbre…—Non… je n'aurais pas eu la ligne rigide, le cassant du trait… Ça aurait été toujours mou, veule… Il me fallait le marbre, absolument le marbre…—Eh bien! laisse-moi le voir… Je t'assure, je n'en parlerai pas…—Mon marbre? mon marbre? Il est là…—lui dit Romanet en se touchant le front.
 
Pêle-mêle étrange de talents et de nullités, de figures sérieuses et grotesques, de vocations vraies et d'ambitions de fils de boutiquiers aspirant à une industrie de luxe; de toutes sortes de natures et d'individus, promis à des avenirs si divers, à des fortunes si contraires, destinés à finir aux quatre coins de la société et du monde, là où l'aventure de la vie éparpille les jeunesses et les promesses d'un atelier, dans un fauteuil à l'Institut, dans la gueule d'un crocodile du Nil, dans une gérance de photographie, ou dans une boutique de chocolatier de passage!
 
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