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CHAPTER XX

时间:2020-10-06来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:Deux lettres tombaient le mme jour dans cet atelier et cette vie d'Anatole:Punaisiana, route de MagnsieSeptembre 1845Gre
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 Deux lettres tombaient le même jour dans cet atelier et cette vie d'Anatole:
 
«Punaisiana, route de Magnésie
 
Septembre 1845
 
«Gredin! me laisser, depuis le temps que je suis ici, sans un bout de lettre, sans un mot! et je suis sûr que tu n'es pas même mort, ce qui serait au moins une excuse. Du reste, si je t'écris, ce n'est pas que je te pardonne, au contraire. Je t'écris parce que je ne puis pas dormir. Sache que je gîte, pour l'instant, chez le Grec Dosiclès, lequel, pour m'honorer, m'a mis dans un lit où les draps sont brodés de fleurs en or d'un relief désespérant. J'étais si éreinté ce soir, que je commençais à dormir là-dessus, je me gauffrais, je me modelais en creux, mais je dormais… quand tout à coup, je me suis aperçu que chacune de ces fleurs d'or était un calice… un vrai calice de punaises! Et voilà pourquoi je t'honore de ma prose, sans compter que j'ai eu ces temps-ci des journées qui me démangent à raconter, et qu'il faut que je fasse avaler à quelqu'un.
 
»Sur ce, suis-moi. En selle, à trois heures du matin, une escorte d'une douzaine d'Albanais et de Turcs, et bien entendu mon fidèle Omar. D'abord des sentiers, des chemins bordés de lauriers-roses et de grenadiers sauvages, au milieu desquels je voyais passer le tout jeune museau d'un petit chameau né dans la nuit et gros comme une chèvre, qui venait nous dire bonjour. A huit heures, nous commencions à monter la montagne: alors des précipices, des chutes d'eau à tout emporter, des pins gigantesques, admirables de formes, des arbres du temps de la création, des arbres pleins de vie et pleins de siècles, de vrais morceaux d'immortalité de la terre, qui font le respect avec l'ombre autour d'eux. Je ne te parle pas de tout ce que nous faisions fuir dans les broussailles et les feuilles, serpents, oiseaux, écureuils, qui se sauvaient et se retournaient pour nous voir, comme s'ils n'avaient jamais vu de bêtes d'une espèce comme nous. En haut, malgré un froid de chien qui nous fait grelotter sous nos manteaux et nos couvertures, nous restons une heure à regarder ce qu'on voit de là: le Bosphore, les îles, la côte de Troie, blanche, avec des éclats de carrière de marbre, étincelante dans ce bleu, le bleu du ciel et de la mer mêlés, un bleu pour lequel il n'y a ni mots ni couleur, un bleu qui serait une turquoise translucide, vois-tu cela?
 
»De là, dégringolade dans la plaine. Des villages dominés par de grands cyprès, de la bonne bête de grosse verdure, comme en Normandie; des vergers avec de l'eau sourcillante sous le pied de nos chevaux, des arbres qui s'embrassent de leurs branches du haut; des pêches jaunes, des prunes, des grenades, des raisins de toute couleur glissant des vignes emmêlées aux arbres; partout sur le chemin, des fruits suspendus, tentants, tombant à la portée de la main; entre les éclaircies des arbres, des champs de pastèques et de melons que mon escorte sabre à grands coups de yatagan et dont elle m'offre le cœur. Enfin, il me semblait être sur la grande route du paradis, animé par un peuple de paradis qui semblait enchanté de nous voir manger ce qui lui appartenait. Nous croisons des zebecks aux étendards rouges. Nous passons de petites rivières sur des ponts en ogive, un vrai décor de croisade. Il défile des hommes, des femmes, de tout, et jusqu'à un déménagement du pays: cela se compose d'un petit âne blanc sur lequel est un grand diable de nègre, le cafetier, et sur le cafetier, juché, un coq; puis un gros Turc écrasant une maigre monture; puis la femme no 1, montée à califourchon, et flanquée devant et derrière d'un enfant; puis la femme no 2; puis un ânon et un mouton en liberté, qui suivent la famille à peu près comme ils veulent. Le soleil se met à baisser: nous tombons dans un groupe de pasteurs, à la grande immobilité découpée sur le ciel, au chant grave, les yeux tournés vers une mosquée: je t'assure qu'ils dessinaient une crâne silhouette de la Prière orientale. C'est seulement à la nuit, à la pleine nuit, que nous atteignons Ailvatissa, où un gros dégoûtant de Turc, qui a voulu absolument nous héberger, nous fourre dans la bouche, avec toutes sortes de politesses, les boulettes qu'il se donne la peine de faire avec ses doigts sales: c'était comme mon lit de fleurs!
 
»Voilà une journée pas mal pittoresque, n'est-ce pas? Eh bien! elle ne vaut pas ce que nous avons vu aujourd'hui. Imagine-toi une immense oasis, un bois d'arbres énormes et si pressés qu'ils donnent l'ombre d'une forêt, des platanes géants qui ont quelquefois, autour de leur tronc mort de vieillesse, quarante rejetons enracinés et rejaillissants du sol; imagine là-dessous de l'eau, un bruit de sources chantantes, un serpentement de jolis ruisseaux clairs, et là-dedans, dans cette ombre, cette fraîcheur, ce murmure, pense à l'effet d'une centaine de bohémiens ayant accroché aux branches leur vie errante, campant là avec leurs tentes, leurs bestiaux, les hommes, le torse nu, fabriquant des armes, forgeant des instruments de jardinage sur une petite enclume enfoncée en terre, et charmant le battement du fer avec le rhythme d'une chanson étrange, de belles et sauvages jeunes filles dansant en brandissant sur leur tête des tambours de basque qui leur font de l'ombre sur la figure, des femmes près de flammes et de foyers vifs, faisant cuire des agneaux entiers qu'elles apportent sur des brassées de plantes odoriférantes, d'autres occupées à donner à de petites bouches leurs seins bronzés, des petits enfants tout nus avec un tarbourch couvert de pièces de monnaie, ou bien n'ayant sur la peau que l'amulette du pays contre le mauvais œil: une gousse d'ail dans un petit morceau d'étoffe dorée; tous, barbotant, s'éclaboussant, dans le bois d'eau et de soleil, courant après des oies effarouchées… Et aux arbres, des berceaux d'enfants, nids de loques aux mille couleurs, ramassés brin à brin dans les trouvailles des routes…
 
»Mais en voilà quatre pages. Et je dors. Bonsoir!
 
»Ecris-moi chez le consul de France, à Smyrne.
 
»A toi, vieux.
 
»N. de Coriolis.»
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