法语学习网
当前位置:首页 » 法语阅读 » 法语文学 » Manette Salomon » 正文

CHAPTER XXI

时间:2020-10-13来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:Rome, 26 dcembre 1844, deux heures du matin.Je suisRome, Je suisl'École de Rome! Ah! mon ami, si je l'osais, je p
(单词翻译:双击或拖选)
 «Rome, 26 décembre 1844, deux heures du matin.
 
«Je suis à Rome, Je suis à l'École de Rome!… Ah! mon ami, si je l'osais, je pleurerais. Mais pas de phrases. Tu vas voir ce que c'est!
 
»Nous sommes arrivés ce soir; tu sais, Charagut a dû t'écrire cela, nous avions pris, il y a près de trois mois, un voiturin à Marseille. Nous étions les cinq prix: Jouvency, Salaville, Froment, Gouverneur et Charmond, le musicien. Nous avons passé par la Corniche et pas mal flâné en Toscane: ç'a été charmant. Enfin aujourd'hui, c'était le grand jour. A trois heures, nous étions dans un endroit appelé Ponte Molle. Nous savions que les camarades viendraient à notre rencontre: il y en avait quatre. Mais quel drôle de changement! des garçons avec qui nous étions à Paris à tu et à toi, des amis! tu ne l'imagines pas! un froid… et pas seulement du froid, un air tout gêné, tout inquiet, tout absorbé. Avec ça, ils étaient mis comme des brigands, fagotés à faire peur. J'ai demandé à Guérinau pourquoi Férussac, tu sais, Férussac qui a été chez nous, n'était pas venu. Il m'a répondu, comme mystérieusement, qu'il n'avait pas pu venir; que j'allais le trouver bien changé, qu'il avait une espèce de maladie noire; qu'on craignait un peu pour sa tête, et qu'il m'avertissait de ne pas le contrarier dans ses idées. Et comme ça toute la route, ç'a été un tas de mauvaises nouvelles des uns et des autres, et des histoires qui nous ont mis tout sens dessus dessous. J'oublie de te dire qu'à Ponte Molle, ils nous ont montré des statues de Michel-Ange: je t'avouerai que ni moi ni Jouvency n'y avons rien compris. Ils trouvent, eux, que c'est ce qu'il a fait de plus beau. Il faut que je te dise quelque chose, mais cela tout à fait entre nous, je te demande le secret: ils sont ici très-malheureux d'une aventure arrivée à Filassier, le prix du Joseph, tu te rappelles. A ce qu'il paraît, il est entretenu par une princesse italienne, et publiquement. Il ne s'en cache pas, il se donne en spectacle. Tu comprends la déconsidération que cela jette sur l'Académie, et la position fausse où cela nous met tous à Rome.
 
»Nous sommes entrés par une grande porte où il y a des obélisques de chaque côté, et ils nous ont de suite conduit dans le Corso voir Saint-Pierre. Mon Dieu! que cela ressemble peu à l'idée qu'on s'en fait! Je me figurais une place circulaire avec des colonnes devant: il paraît que ç'a été démoli par le gouvernement pour faire des rues. Et puis, nous avons monté, et nous sommes arrivés, comme la nuit venait à la villa Médici. On nous a menés à nos chambres: tu ne te figures pas des chambres comme ça: j'en ai une… ignoble! Et nous en avons pour un an, à ce qu'il paraît, à être là! Là-dessus l'Ave Maria a sonné: cela sonne le dîner ici, l'Ave Maria. Nous sommes descendus à la salle à manger. C'était lugubre; rien que de mauvaises chandelles, pas de nappes; au lieu de serviettes, des torchons, des couverts en étain. Il y avait, pour servir, deux domestiques, mais si sales, qu'ils vous ôtaient d'avance l'appétit. J'ai aperçu que c'était peint en rouge, et qu'il y avait au fond le Faune appuyé, tu sais, avec sa flûte, et puis en haut les portraits des pensionnaires. Fleurieu me montrait tous ceux qui étaient morts: il y en avait des files de sept d'emportés! On était séparé: chaque année avait sa petite table. Les vieux prix, les restants à l'école, les professeurs, comme on les appelle ici, en avaient une un peu exhaussée. Ceux que j'ai connus dans le temps m'ont paru terriblement vieillis; et puis, ils ont un teint d'un vert affreux. Tu as bien connu Grimel? Il a les cheveux tout blancs, à présent. On a passé la soupe, et comme les nouveaux sont ici les derniers servis, la soupière nous est arrivée à peu près vide. Personne ne se parlait. Il y avait toujours un silence de glace. Ils ont l'air de se détester tous. Les vieux, autour de Grimel, avaient des regards perdus comme s'ils avaient été dans la lune. Quelques-uns avaient de petits manteaux de laine, et paraissaient avoir froid dessous comme des pauvres. Enfin, il y eut une voix à la table des professeurs: «—Ah! voilà les nouveaux…—Il est bien laid, celui-là…—Lequel?—On dit que le concours était bien faible…» Nous avions le nez dans notre assiette. Il nous arriva une boîte de sardines où il n'y avait plus rien au fond que des arêtes et de l'huile qui sentait l'huile grasse. Il y avait dans la salle un grand brasier plein de braise: voilà que je vois un de ceux qui grelottaient y aller, poser les pieds sur le tour de bois du brasier, et rester là à trembler. Cela faisait mal. Il en vint un autre, puis un autre. Alors il partit des tables: «Sont-ils embêtants, avec leur fièvre, ceux-là! C'est agréable pendant qu'on mange, d'avoir l'hôpital à côté de soi!» Il faut te dire que les domestiques ne parlent qu'italien, ce qui est commode. Nous avions attrapé quelques tirans du bouilli, de l'alesso, comme ils disent, quand Filassier a fait son entrée, en bottes, en culotte blanche, en veste de velours, des éperons, une cravache, et un air! Faisant des effets de cuisse, repoussant ce qu'on passait comme un homme qui veut dire qu'il mange mieux ailleurs… C'est révoltant! Je ne comprends pas qu'il en soit arrivé à cette impudeur-là. Là-dessus, j'ai entendu des cris: Michel-Ange! Raphaël!… Je n'ai entendu que cela, et j'ai vu toute une table qui se levait pour en manger une autre… Il y avait même Châtelain qui avait son couteau… Et personne n'essayait de les séparer! On devient de vraies bêtes féroces ici. Notre graveur, qui est nerveux, a pris le trac: il s'est sauvé dans la cuisine. Heureusement qu'on a fait apporter du vin cacheté, qui m'a semblé par parenthèse plus mauvais que l'ordinaire, et Grimel a proposé gentiment de boire à la santé des nouveaux, en nous disant qu'il «espérait que nous ferions honneur à l'Académie, et que nous reconnaîtrions la généreuse hospitalité que nous y recevions.» Aucun de nous n'a eu le courage de répondre. On est passé au salon. Qu'est-ce qui m'avait donc dit qu'il y avait des aquarelles de carnaval au salon? C'est une petite chambre nue, très-petite. Nous avons été obligés de nous asseoir par terre, tandis que Charmond jouait son prix, et on m'a conduit à ma chambre: les quatre murs, mon ami. Mon lit et ma malle, rien de plus. Je t'écris, assis sur ma malle. Je te dirai encore que…»
 
«Du même endroit. Octobre 1845.
 
«Ah! mon cher, je retrouve ce vieux torchon de lettre oublié dans un coin, et je ris bien! Mais il faut d'abord que je te finisse ma nuit.
 
»Je t'écrivais donc sur ma malle lorsque, crac! ma bougie s'éteint. Je la tâte: froide comme un mort! Je cherche des allumettes: pas une. J'ouvre ma porte: pas de lumière. Je me risque dans de grands diables d'escaliers et des corridors qui n'en finissent pas. La peur me prend de me casser le cou, je retrouve ma chambre et mon lit à tâtons. Je prends mon meuble de nuit sous mon lit: c'est un arrosoir! Enfin je me couche, je vais fermer l'œil… voilà de la lumière qui se met à serpenter par terre entre les jointures des carreaux, et il part sous mon lit quelque chose comme une mine qui saute! Au même instant la porte s'ouvre, et on me jette dans ma chambre une avalanche de meubles.
 
»Une farce que tout cela, tu comprends; une farce depuis le commencement jusqu'à la fin! Les soi-disant statues de Michel-Ange, à Ponte Molle, sont de n'importe qui. Le Saint-Pierre qu'on m'a montré, c'est l'église San-Carlo. Férussac ne songe pas plus que moi à aller à Charenton. Il y a deux bonnes lampes dans la salle à manger, et des nappes. Les cheveux blancs de Grimel étaient faits avec de la farine. Filassier, l'honnête garçon, n'est entretenu que par l'École de Rome. Les fiévreux étaient de faux fiévreux. Le vrai salon a bien des aquarelles de carnaval. La dispute à table était en imitation. Ma chambre n'était pas ma chambre. Le meuble de dessous mon lit était percé, et ma bougie était un bout de bougie sur un navet ratissé! Voilà! Ah! les scélérats! les ai-je assez amusés! Car on vous donne, pour ces occasions, une chambre sans volets, sans rideaux, et où on peut vous voir du balcon de la Loggia. Et ils m'ont vu! je leur ai donné la comédie de l'homme qui rentre désespéré dans sa chambre, ferme la porte, regarde, fait deux ou trois tours, met la main dans son gousset pour y trouver un équilibre dans son malheur, tire lentement une manche de sa redingote, cherche un meuble où la poser, et finit par s'asseoir sur sa malle comme un condamné à cinq ans de Rome! Ils m'ont vu ouvrir ma malle, en tirer un pot de pommade, et me frotter le nez pour le coup de soleil qu'on attrape ordinairement dans le voyage, avec le geste imbécile qu'on a à se frotter le nez quand on n'a pas de glace! Ils m'ont vu, me graissant bêtement d'une main, tenir et retourner de l'autre, avec agitation, une lettre! Car, je n'avais pas osé tout te dire. J'avais eu la naïveté de leur parler en chemin d'une Italienne très-gentille que j'avais rencontrée dans le nord de l'Italie, et qui m'avait dit qu'elle allait à Rome; et j'avais trouvé en arrivant à l'Académie une lettre, une lettre à cachet, à devise, une lettre sentant la femme: mais le diable, c'est que ce gueux de poulet était en italien, en un polisson d'italien de cuisine qui me faisait venir l'eau à la bouche, et où j'accrochais un mot par-ci par-là sans pouvoir saisir une phrase… Oh! non, moi, en pan de chemise, avec la caricature de mon ombre au mur, piochant ma lettre, en m'approchant toujours plus près de la bougie, et en m'enduisant plus fiévreusement le nez… ça devait être trop drôle!
 
»Le lendemain, ils n'ont pas manqué de me présenter à la dame de la garde-robe de l'École, comme à la femme de M. Schnetz, et j'ai été très-flatté qu'elle me parlât de mon concours!
 
»Oui, c'est moi, mon cher, qui ai été attrapé comme ça! Ça doit te donner une assez jolie idée de la manière dont on vous met dedans. Vrai, c'est très-bien fait, cette scie en crescendo. Ça monte, ça monte; ça vous pince tout à fait à la fin, et ça pince tout le monde. Et puis, tu comprends, on arrive; il y a le voyage qui vous a remué, la fatigue, l'éreintement. On a l'émotion de l'arrivée, de tout ce qu'on va voir, de Rome. On ne sait pas, on se sent loin. Il y a de l'inconnu dans l'air, un tas de choses qui vous font bête. Bref, ça arrive aux plus forts: en est prêt à tout avaler.
 
»Je te dirai qu'il y a ici un Beau auquel on sent qu'on ne peut atteindre tout de suite et qui vous écrase. C'est l'impression générale, à ce qu'on me dit, ce qui me console un peu. Il me semble que je n'ai pas encore les yeux ouverts. Je suis dans le demi-jour de la première année. Il paraît qu'ici on est illuminé subitement. Un beau jour on voit. Grimel m'a expliqué cela: il arrive un moment ou tout d'un coup ce qu'on a partout sous les yeux vous est révélé. A lui, ça est arrivé du balcon de la Loggia. En regardant de là toute la vieille Rome, la colonne Antonine, la colonne Trajane, les murs de Rome, la campagne, les monts de la Sabine, le bord de la mer à l'horizon, il a vu, il a compris, il a senti: tout s'est éclairé pour lui.
 
»En attendant, je travaille dur.
 
»Qu'est-ce qu'on devient à Paris?
 
»Ton bon camarade,
 
»Garnotelle.»
顶一下
(0)
0%
踩一下
(0)
0%

热门TAG: 法语 文学


------分隔线---------- ------------------
[查看全部]  相关评论