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CHAPTER XIV

时间:2020-10-06来源:互联网 进入法语论坛
核心提示:Surexcit, mis en verve par son succs, sa popularit de mystificateur, Anatole imaginait,peu de temps de l, une autre veng
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 Surexcité, mis en verve par son succès, sa popularité de mystificateur, Anatole imaginait, à peu de temps de là, une autre vengeance contre une autre femme qui avait fait tomber sur ses camarades et sur lui une terrible semonce de Langibout.
 
Il se trouvait, par un malencontreux hasard, que dans le fond de la cour où était l'atelier de Langibout, il y avait un établissement de bains. Cela obligeait les malheureuses jeunes femmes du quartier, qui allaient au bain le matin, à traverser une haie de grands diables garnissant, à l'heure du déjeûner, les deux côtés de la cour, campés contre le mur, en vareuses rouges et la pipe à la bouche. Quand elles sortaient de l'établissement, charmantes, frissonnantes, caressées sous leurs robes du souvenir de l'eau et comme d'un souffle de fraîcheur, elles avaient à déranger des lazzarones couchés en travers de leur chemin. Elles passaient vite, en se serrant; mais elles sentaient tous ces regards d'hommes les fouiller, les tâter, les suivre; leurs oreilles accrochaient au passage des fragments d'histoires effarouchantes, des mots dans des récits, des cris d'animaux, qui leur faisaient peur. Les jours de gaieté de l'atelier, on les faisait s'arrêter dans l'angoisse d'une détonation imminente devant un petit canon vide de poudre auquel un élève menaçait de mettre le feu avec une grande feuille de papier allumé. Voyant sa clientèle s'éloigner, les femmes enceintes, les jeunes filles avec leurs mères, et jusqu'aux mères elles-mêmes ne plus revenir, la maîtresse des bains avait été faire ses plaintes à Langibout, qui, prenant feu sur la justice et l'honnêteté de ses récriminations, s'était livré contre tout l'atelier à un éclat de colère.
 
Sur cela, Anatole résolut de punir la dénonciatrice en frappant son commerce au cœur. Un matin, huit bains, qu'il avait été retenir dans un grand établissement de la rue Taranne, stationnaient devant la maison, avec leur adresse sur les planchettes de derrière des huit tonneaux, étonnant, occupant les voisins, la maison, la rue, le quartier, tout un monde qui se demandait s'il n'y avait plus d'eau, plus de bains, dans l'établissement de la maison Langibout. Tout l'atelier écoutait avec délices cette rumeur qui ruinait les robinets d'à côté, quand la porte s'entr'ouvrit.
 
—Salut, messieurs…—fit une voix d'homme, une voix qui nazillait et bredouillait.
 
—Salut, messieurs…—répétèrent aussitôt, aux quatre coins de l'atelier, quatre ou cinq voix de jeunes gens répercutant l'accent de l'homme avec une fidélité d'écho.
 
L'homme se décida à entrer, en souriant humblement. C'était un grand homme gauche, aux traits purs, réguliers, à la lèvre un peu tombante, à l'air ingénu et naturellement ahuri. Une blonde perruque d'amoureux de théâtre lui couvrait le crâne. Il respirait la douceur et le ridicule, appelait, comme certaines bonnes natures grotesques, la sympathie et le rire.
 
—Salut, messieurs…—reprit-il avec sa même voix embrouillée.—Qu'est-ce que vous voulez? Voilà des boîtes de fusain que je vends cinquante centimes… j'ai des tortillons… j'ai des estompes… de très-belles estompes en peau… j'en ai aussi en linge…—Et se baissant, il regardait, avec des yeux clignotants et le bout de son nez, les objets qu'il tirait de sa boîte.—C'est-il des canifs à deux lames qu'il vous faut? Maintenant, messieurs, j'ai de petites maquettes en fil de fer… messieurs, que j'ai inventées… Messieurs, c'est exact… C'est M. Cavelier qui m'a donné les mesures avec M. Gigoux… Ils ont compté… tenez, messieurs, regardez… depuis la rotule jusqu'à la malléole, c'est la même distance que de la rotule au bassin… Vous mettez un peu de cire là-dessus… Voyez-vous: ça hanche… Vous avez votre bonhomme, vous avez votre ensemble, vous avez tout… C'est-il des tortillons qu'il vous faut, monsieur Anatole?
 
—Oui, père Mijonnet… Mettez-m'en là pour deux sous… Mais, dites-moi donc, qu'est-ce que c'est que cette perruque que vous avez là?
 
—Je vais vous dire, monsieur Anatole… Je vais vous dire…
 
Et une rougeur d'enfant colora les joues du marchand de tortillons.
 
—Ce n'est pas pour faire le jeune… Oh! non, vous me connaissez… On me disait toujours que j'avais une tête de bénédictin… Alors, je m'ai fait couper tous les cheveux, là-dessus, sur la tête… et je m'ai fait mouler presque jusque-là…
 
Et il montra le milieu de sa poitrine.
 
—Mais, depuis ça, je ne désenrhumais pas… je ne désenrhumais pas, figurez-vous… Alors, ce bon monsieur Barnet, de chez M. Delaroche, a eu pitié de moi: il m'a donné cette perruque-là… Je ne m'enrhume plus… Elle est bien un peu blonde, c'est vrai… dans le jour surtout… mais comme on sait bien que ce n'est pas pour faire des femmes que je la mets…
 
—Satané farceur de Mijonnet!—fit Anatole—Et le Théâtre-Français, qu'est-ce que nous en faisons?
 
—Le Théâtre-Français, monsieur Anatole? Eh bien! voilà… On avait été gentil pour moi… M. Barnet m'avait fait mon costume… Il m'avait prêté une toge, il m'avait appris à me draper. Il m'avait même fait des sandales, vous savez, avec des lanières rouges… Voilà ces messieurs du théâtre, quand ils m'ont vu, ils ont été enchantés… Ils m'ont mis tout de suite au premier rang des comparses, sur le devant… même que je disais: «Mort à César!…» Tenez! messieurs, je me posais comme ça,—il se drapa dans son paletot,—et je criais…
 
—Des tortillons!…—cria Anatole avec la voix même de Mijonnet.—Oui, je sais, on m'a dit cela, mon pauvre Mijonnet. Ça vous a fait renvoyer du théâtre.
 
—Ah! monsieur Anatole, vous êtes toujours le même. Il faut que vous vous moquiez… Vous êtes toujours à taquiner le pauvre monde,—bredouilla doucement et plaintivement le père Mijonnet.—Mais c'est des histoires… J'ai toujours été très-convenable aux Français… Tenez, je criais très-bien, comme ça: «Mort à César!»—Et il s'arracha une note prodigieuse: le cri de Jocrisse dans une conspiration de Brutus!
 
—Sérieusement, père Mijonnet, votre place était là… Vous aurez eu des jaloux, voyez-vous… Vous étiez né pour la déclamation… Non, vrai, je ne vous fais pas de blague… Je suis sûr qu'y y en a beaucoup d'entre vous, messieurs, qui n'ont jamais entendu M. Mijonnet réciter la Chute des feuilles, de Millevoye… Priez M. Mijonnet.
 
—Ah! monsieur Anatole, c'est encore une plaisanterie que vous me faites là,—dit sans se fâcher le bonhomme, habitué à cette scie d'Anatole.
 
—La Chute des feuilles! la Chute des feuilles, Mijonnet!… ou pas de tortillons!—cria l'atelier.
 
—Vous le voulez, messieurs?
 
De la dépouille de nos bois,
L'automne avait jonché la terre…
. . . . . . . . . . . . . . . . .
—De la dépouille de nos bois,
L'automne avait jonché la terre.
Mijonnet crut que c'était lui qui répétait le vers; c'était Anatole.
 
—Taisez-vous donc, monsieur Anatole… C'est bête: je ne sais plus si c'est moi ou vous qui parlez…
 
Mais Anatole continua, toujours avec la voix de Mijonnet:
 
Le rossignol était en bois,
Bocage était au ministère…
—Oh! vous changez,—dit Mijonnet.—Ce n'est pas comme ça dans le livre… Je ne dis plus rien… Ah! merci, mon Dieu, comme voilà des bains!—fit-il en se retournant et en apercevant dans l'atelier les huit bains apportés de la rue Taranne.
 
—C'est pour vous, monsieur Mijonnet,—se hâta de répondre Anatole, éclairé et traversé par une inspiration subite,—un bain d'honneur qu'on vous offre… une gracieuseté de l'atelier… Vous avez le choix des baignoires…
 
—Tout de même, je veux bien… si ça vous fait plaisir, messieurs,—dit Mijonnet, charmé de l'idée de prendre un bain gratis.
 
Il se déshabilla et entra dans l'eau. Au bout de quelques minutes, il fut pris dans la baignoire de l'ennui des personnes qui n'ont pas l'habitude du bain. Il se remua, agita les mains, chercha une position, regarda timidement les baignoires à côté, et finit par se hasarder à dire timidement:
 
—Ça ne vous ferait rien, messieurs, que j'aille dans une autre, n'est ce pas?
 
—C'est pour vous les huit!—hurla l'atelier à l'ensemble et le sérieux d'un chœur antique.
 
Cinq minutes après, comme Mijonnet se promenait d'un bain à l'autre, cherchant de l'eau qui ne l'ennuyât pas, Langibout entra brusquement et violemment dans l'atelier, avec un teint d'apoplectique, les moustaches hérissées. Se jetant sur Mijonnet, qui posait pour l'indécision à cheval entre deux baignoires, et l'attrapant par le bras:
 
—Comment, grand imbécile! un vieillard comme vous!… vous prêter à des farces d'enfant!… Habillez-vous de suite… et si jamais vous remettez les pieds ici…
 
Mijonnet, tremblant, courut à ses habits et se mit à les passer vivement, sans s'essuyer.
 
Langibout se promenait à grands pas. L'atelier était silencieux, consterné, écrasé sous la colère muette du maître. Anatole, enfoncé dans le collet de sa redingote, ratatiné, les coudes au corps, le nez sur son esquisse, n'osait pas souffler: il espérait pourtant que tout l'orage tomberait sur Mijonnet.
 
Mijonnet rhabillé, Langibout le poussa dehors; et, en fermant la porte sur lui, il jeta, sans se retourner, par-dessus son épaule:
 
—Monsieur Bazoche, faites-moi le plaisir de venir me trouver…
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