【法国文学】卡门Carmen --Prosper Mérimée III (28)
– Oui ? dit l’Anglais. Eh bien ! apporte encore demain du maquila. –
Pendant que nous parlions, le domestique entra et dit que le dîner était prêt.
Alors l’Anglais se leva, me donna une piastre, et offrit son bras à Carmen,
comme si elle ne pouvait pas marcher seule. Carmen, riant toujours, me
dit : – Mon garçon, je ne puis t’inviter à dîner ; mais demain, dès que tu
entendras le tambour pour la parade, viens ici avec des oranges. Tu trouveras
une chambre mieux meublée que celle de la rue du Candilejo, et tu verras si
je suis toujours ta Carmencita. Et puis nous parlerons des affaires d’Égypte.
– Je ne répondis rien, et j’étais dans la rue que l’Anglais me criait : Apportez
demain du maquila ! et j’entendais les éclats de rire de Carmen.
Je sortis ne sachant ce que je ferais. Je ne dormis guère, et le matin je
me trouvais si en colère contre cette traîtresse, que j’avais résolu de partir
de Gibraltar sans la revoir ; mais, au premier roulement de tambour, tout
mon courage m’abandonna : je pris ma natte d’oranges et je courus chez
Carmen. Sa jalousie était entrouverte, et je voyais son grand œil noir qui me
guettait. Le domestique poudré m’introduisit aussitôt ; Carmen lui donna
une commission, et dès que nous fûmes seuls, elle partit d’un de ses éclats
de rire de crocodile, et se jeta à mon cou. Je ne l’avais jamais vue si belle.
Parée comme une madone, parfumée... des meubles de soie, des rideaux
brodés... ah !..., et moi fait comme un voleur que j’étais.