J’avais une espèce de robe courte faite, de même que mon chapeau, de
peaux de chèvres. Les bords en descendaient jusque sous mes genoux ; mes
culottes étaient faites de la peau d’un vieux bouc. Le poil en était d’une
longueur si extraordinaire qu’il descendait jusqu’au milieu de mes jambes.
Je n’avais ni bas ni souliers, mais je m’étais fait, pour me couvrir les jambes,
une paire de je ne sais quoi qui ressemblait néanmoins assez à des bottines,
et que j’enlevais comme on fait des guêtres. Elles étaient, de même que tous
mes autres vêtements, de forme étrange et barbare.
J’avais un ceinturon fait de même étoffe que mes habits. Au lieu d’une
épée et d’un sabre, je portais une scie et une hache, l’une d’un côté, l’autre de
l’autre. J’avais, de plus, une sorte de baudrier à l’extrémité duquel pendaient
deux poches faites de même matière que le reste. Dans l’une je mettais ma
poudre, dans l’autre ma dragée. Sur mon dos, je portais une corbeille, sur
mes épaules un fusil et sur ma tête un parasol assez grossièrement travaillé
mais qui pourtant, après mon fusil, était ce dont j’avais le plus besoin.
Mon visage n’était pas aussi brûlé par le soleil qu’on aurait pu le croire.
Quant à ma barbe, je l’avais d’abord laissé croître jusqu’à la longueur d’un
quart d’aune, mais comme j’avais des ciseaux et des rasoirs, je la coupais
maintenant d’assez près, sauf celle qui me croissait sur la lèvre supérieure et
formait deux belles moustaches. Je ne dirai pas que ces moustaches étaient si
longues que j’aurais pu y suspendre mon chapeau, mais je puis bien assurer
qu’en Angleterre elles auraient paru effroyables.
Aventures de Robinson Crusoé
Daniel Defoe