CHAPITRE III La course cocasse (4)
Cette question donna bien à réfléchir au Dodo ; il resta longtemps
assis, un doigt appuyé sur le front (pose ordinaire de Shakespeare dans ses
portraits) ; tandis que les autres attendaient en silence. Enfin le Dodo dit :
« Tout le monde a gagné, et tout le monde aura un prix. »
« Mais qui donnera les prix ? » demandèrent-ils tous à la fois.
« Elle, cela va sans dire, » répondit le Dodo, en montrant Alice du doigt,
et toute la troupe l’entoura aussitôt en criant confusément : « Les prix ! Les
prix ! »
Alice ne savait que faire ; pour sortir d’embarras elle mit la main dans
sa poche et en tira une boîte de dragées (heureusement l’eau salée n’y avait
pas pénétré) ; puis en donna une en prix à chacun ; il y en eut juste assez
pour faire le tour.
« Mais il faut aussi qu’elle ait un prix, elle, » dit la Souris.
« Comme de raison, » reprit le Dodo gravement. « Avez-vous encore
quelque chose dans votre poche ? » continua-t-il en se tournant vers Alice.
« Un dé ; pas autre chose, » dit Alice d’un ton chagrin.
« Faites passer, » dit le Dodo. Tous se groupèrent de nouveau autour
d’Alice, tandis que le Dodo lui présentait solennellement le dé en disant :
« Nous vous prions d’accepter ce superbe dé. » Lorsqu’il eut fini ce petit
discours, tout le monde cria « Hourra ! »