CHAPITRE III La course cocasse (6)
« Vous ne m’écoutez pas, » dit la Souris à Alice d’un air sévère. « À quoi
pensez-vous donc ? »
« Pardon, » dit Alice humblement. « Vous en étiez au cinquième détour. »
« Détour ! » dit la Souris d’un ton sec. « Croyez-vous donc que je manque
de véracité ? »
« Des vers à citer ? oh ! je puis vous en fournir quelques-uns ! » dit Alice,
toujours prête à rendre service.
« On n’a pas besoin de vous, » dit la Souris. « C’est m’insulter que de
dire de pareilles sottises. » Puis elle se leva pour s’en aller.
« Je n’avais pas l’intention de vous offenser, » dit Alice d’une voix
conciliante. « Mais franchement vous êtes bien susceptible. »
La Souris grommela quelque chose entre ses dents et s’éloigna.
« Revenez, je vous en prie, finissez votre histoire, » lui cria Alice ; et tous
les autres dirent en chœur : « Oui, nous vous en supplions. » Mais la Souris
secouant la tête ne s’en alla que plus vite.
« Quel dommage qu’elle ne soit pas restée ! » dit en soupirant le Lory,
sitôt que la Souris eut disparu.
Un vieux crabe, profitant de l’occasion, dit à son fils : « Mon enfant, que
cela vous serve de leçon, et vous apprenne à ne vous emporter ! » jamais !
« Taisez-vous donc, papa, » dit le jeune crabe d’un ton aigre. « Vous feriez
perdre patience à une huître. »
« Ah ! si Dinah était ici, » dit Alice tout haut sans s’adresser à personne.
« C’est elle qui l’aurait bientôt ramenée. »
« Et qui est Dinah, s’il n’y a pas d’indiscrétion à le demander ? » dit le
Lory.