CHAPITRE VI Porc et poivre (2)
« Cela ne sert à rien du tout de frapper, » dit le Laquais, « et cela pour deux
raisons : premièrement, parce que je suis du même côté de la porte que vous ;
deuxièmement, parce qu’on fait là-dedans un tel bruit que personne ne peut
vous entendre. » En effet, il se faisait dans l’intérieur un bruit extraordinaire,
des hurlements et des éternuements continuels, et de temps à autre un grand
fracas comme si on brisait de la vaisselle.
« Eh bien ! comment puis-je entrer, s’il vous plaît ? » demanda Alice.
« Il y aurait quelque bon sens à frapper à cette porte, » continua le Laquais
sans l’écouter, « si nous avions la porte entre nous deux. Par exemple, si vous
étiez à l’intérieur vous pourriez frapper et je pourrais vous laisser sortir. » Il
regardait en l’air tout le temps qu’il parlait, et Alice trouvait cela très impoli.
« Mais peut-être ne peut-il pas s’en empêcher, » dit-elle ; « il a les yeux
presque sur le sommet de la tête. Dans tous les cas il pourrait bien répondre
à mes questions. – Comment faire pour entrer ? » répéta-t-elle tout haut.
« Je vais rester assis ici, » dit le Laquais, « jusqu’à demain – »
Au même instant la porte de la maison s’ouvrit, et une grande assiette
vola tout droit dans la direction de la tête du Laquais ; elle lui effleura le nez,
et alla se briser contre un arbre derrière lui.
« – ou le jour suivant peut-être, » continua le Laquais sur le même ton,
tout comme si rien n’était arrivé.