CHAPITRE VI Porc et poivre (3)
« Comment faire pour entrer ? » redemanda Alice en élevant la voix.
« Mais devriez-vous entrer ? » dit le Laquais. « C’est ce qu’il faut se
demander, n’est-ce pas ? »
Bien certainement, mais Alice trouva mauvais qu’on le lui dît. « C’est
vraiment terrible, » murmura-t-elle, « de voir la manière dont ces gens-là
discutent, il y a de quoi rendre fou. »
Le Laquais trouva l’occasion bonne pour répéter son observation avec
des variantes. « Je resterai assis ici, » dit-il, « l’un dans l’autre, pendant des
jours et des jours ! »
« Mais que faut-il que je fasse ? » dit Alice. « Tout ce que vous voudrez, »
dit le Laquais ;
et il se mit à siffler.
« Oh ! ce n’est pas la peine de lui parler, » dit Alice, désespérée ; « c’est
un parfait idiot. » Puis elle ouvrit la porte et entra.
La porte donnait sur une grande cuisine qui était pleine de fumée d’un
bout à l’autre. La Duchesse était assise sur un tabouret à trois pieds, au milieu
de la cuisine, et dorlotait un bébé ; la cuisinière, penchée sur le feu, brassait
quelque chose dans un grand chaudron qui paraissait rempli de soupe.
« Bien sûr, il y a trop de poivre dans la soupe, » se dit Alice, tout empêchée
par les éternuements.
Il y en avait certainement trop dans l’air. La Duchesse elle-même
éternuait de temps en temps, et quant au bébé il éternuait et hurlait
alternativement sans aucune interruption. Les deux seules créatures qui
n’éternuassent pas, étaient la cuisinière et un gros chat assis sur l’âtre et dont
la bouche grimaçante était fendue d’une oreille à l’autre.