CHAPITRE VI Porc et poivre (4)
« Pourriez-vous m’apprendre, » dit Alice un peu timidement, car elle ne
savait pas s’il était bien convenable qu’elle parlât la première, « pourquoi
votre chat grimace ainsi ? »
« C’est un Grimaçon, » dit la Duchesse ; « voilà pourquoi. – Porc ! »
Elle prononça ce dernier mot si fort et si subitement qu’Alice en frémit.
Mais elle comprit bientôt que cela s’adressait au bébé et non pas à elle ; elle
reprit donc courage et continua :
« J’ignorais qu’il y eût des chats de cette espèce. Au fait j’ignorais qu’un
chat pût grimacer. »
« Ils le peuvent tous, » dit la Duchesse ; « et la plupart le font. »
« Je n’en connais pas un qui grimace, » dit Alice poliment, bien contente
d’être entrée en conversation.
« Le fait est que vous ne savez pas grand-chose, » dit la Duchesse.
Le ton sur lequel fut faite cette observation ne plut pas du tout à Alice,
et elle pensa qu’il serait bon de changer la conversation. Tandis qu’elle
cherchait un autre sujet, la cuisinière retira de dessus le feu le chaudron plein
de soupe, et se mit aussitôt à jeter tout ce qui lui tomba sous la main à la
Duchesse et au bébé – la pelle et les pincettes d’abord, à leur suite vint une
pluie de casseroles, d’assiettes et de plats. La Duchesse n’y faisait pas la
moindre attention, même quand elle en était atteinte, et l’enfant hurlait déjà
si fort auparavant qu’il était impossible de savoir si les coups lui faisaient
mal ou non.