CHAPITRE VI Porc et poivre (5)
« Oh ! je vous en prie, prenez garde à ce que vous faites, » criait Alice,
sautant çà et là et en proie à la terreur. « Oh ! son cher petit nez ! » Une
casserole d’une grandeur peu ordinaire venait de voler tout près du bébé, et
avait failli lui emporter le nez.
« Si chacun s’occupait de ses affaires, » dit la Duchesse avec un
grognement rauque, « le monde n’en irait que mieux. »
« Ce qui ne serait guère avantageux, » dit Alice, enchantée qu’il se
présentât une occasion de montrer un peu de son savoir. « Songez à ce que
deviendraient le jour et la nuit ; vous voyez bien, la terre met vingt-quatre
heures à faire sa révolution. »
« Ah ! vous parlez de faire des révolutions ! » dit la Duchesse. « Qu’on
lui coupe la tête ! »
Alice jeta un regard inquiet sur la cuisinière pour voir si elle allait obéir ;
mais la cuisinière était tout occupée à brasser la soupe et paraissait ne pas
écouter. Alice continua donc : « Vingt-quatre heures, je crois, ou bien douze ?
Je pense – »
« Oh ! laissez-moi la paix, » dit la Duchesse, « je n’ai jamais pu souffrir les
chiffres. » Et là-dessus elle recommença à dorloter son enfant, lui chantant
une espèce de chanson pour l’endormir et lui donnant une forte secousse au
bout de chaque vers.
« Grondez-moi ce vilain garçon !
Battez-le quand il éternue ;
À vous taquiner, sans façon
Le méchant enfant s’évertue »
REFRAIN